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CAP AU SUD VERS CROZET - (1/2)

JEUDI 23 MARS 2017 - 2ème Jour



Hier après le copieux dîner, promenade digestive jusqu’au pont supérieur dans la moiteur de la nuit tropicale, noire comme de l’encre. Il faut du temps pour que le regard s’habitue à une telle obscurité. Progressivement le ciel s’éclaire de milliers d’étoiles inconnues. D’abord la Croix du Sud, facile à repérer car dans le cap du bateau, puis en regardant vers l’ouest, les Pléiades, Orion et Sirius (des étoiles que l’on peut observer en France à partir du mois de novembre), visibles sous un angle inhabituel. Malgré le vent dû à la vitesse du bateau, je suis resté un bon moment accoudé au bastingage, à contempler d’autres étoiles bien mystérieuses, m’apportant la preuve que j’ai réellement basculé dans un autre hémisphère.


Couleurs tropicales pour le Marion Dufresne

Ce matin, réveil tranquille après une nuit plutôt calme. Le petit-déjeuner en self-service permet aux passagers de mieux se connaître et d’échanger leurs premières impressions. Les choses se mettent progressivement en place. Chacun finit par s’orienter et prendre ses marques dans le dédale des coursives et des escaliers. Le Marion Dufresne n’est pas un bateau ordinaire. Il est aménagé comme un cargo, rien n’est symétrique à bord, il y a un double escalier dans le sens transversal à l’avant du château alors que l’escalier arrière est dans le sens longitudinal. Chaque pont est aménagé différemment des autres. On tourne en rond, on cherche, on se perd, on se croise, on se recroise et on se questionne. Perturbant, en début de croisière !


Dans les alizés de sud-est



Cela ne m’a bien sûr pas empêché de trouver le chemin de la passerelle, une très vaste salle située à l’avant du pont H, pour me mettre dans l’ambiance de cette rotation. En dehors du poste de commandement central, la passerelle dispose de nombreux sabords pour contempler l’océan ou scruter l’horizon. Première discussion avec l’un des lieutenants de quart, premiers échanges d’expérience…


Route sud vers Crozet
Carte météo entre la Réunion et Crozet

Et bizarrerie propre à ce navire, l'aileron de passerelle tribord est entièrement fermé et intégré à la passerelle elle-même, alors que l'aileron bâbord est totalement extérieur. Cette particularité permet d'avoir une vue complète sur les treuils et portiques océanographiques tous situés à tribord. Cela a un côté pratique évident, mais vue de l'étrave la dissymétrie de la passerelle paraît bien singulière.
   

La passerelle dissymétrique du Marion Dufresne

En milieu de matinée, Clémence, l’accompagnatrice des touristes, nous briefe sur tous les secrets du bateau, l’organisation du bord, les horaires des repas, etc…

Justement, les passagers sont conviés au second service du déjeuner à 12h15 pour découvrir la gastronomie du Marion Dufresne. Et là, pas de déception, ça commence très fort !



14h00, Le Marion est déjà à la latitude du cap Sainte-Marie, l’extrémité sud de Madagascar. J'entreprends une petite rando jusqu’à l’étrave du Marion, mais la mer est beaucoup plus agitée qu'en début de matinée et cela provoque un roulis désagréable, il faut se tenir pour circuler sur la coursive extérieure.



16h00, conférence par Mme le Secrétaire Général des T.A.A.F., ayant rang de sous-préfet et qui fait la tournée des popotes durant cette rotation. Clairement, elle nous explique l’histoire, la législation, l’organisation, les compétences et les ressources des T.A.A.F., mais aussi les contingences diplomatiques liées aux Etats riverains des îles Eparses. C'est que ces îles minuscules suscitent bien des convoitises… !


Le ciel des tropiques n'est pas que bleu

Le Marion Dufresne navigue toujours sous les tropiques. Sur le pont supérieur la température est agréablement douce. Alors, le regard se perd rapidement au-delà de l’horizon… Mais cette nuit le ciel est trop encombré pour observer la moindre étoile.



Ainsi s’écoule, sans qu’on le voie passer, le temps à bord entre la Réunion et les îles Crozet.





VENDREDI 24 MARS - 3ème Jour



Pourtant que la mer est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol de pétrels
Que l'automne vient d'arriver ?



Coup d’œil sur les ordinateurs du bord : T° extérieure 24.5°C – T° de l’eau 24.6°C. Tour sur la coursive extérieure tribord, le vent a molli, la mer s'est calmée et le bateau roule moins. Y a pire pour un début de journée !



08h00, latitude de Durban en Afrique du Sud. L’éloignement de l’Europe ne s’en fait que plus sentir.



10h00, visite officielle de la passerelle guidée par le Commandant lui-même qui nous explique l’utilisation des différents appareils de navigation ainsi que les fonctions des membres d’équipage. Officier de CMA CGM, il a longtemps navigué sur la ligne des Antilles à bord du Fort Sainte-Marie, sur lequel j’avais moi-même embarqué en novembre 2012. Ca crée des liens !



Remonté ensuite sur le pont supérieur pour profiter du généreux soleil pendant qu’il est encore présent. La température est agréable. La mer est toujours bleu tropical, bleu intense. Les poissons volants fuient en longs planés devant le bateau. Et apparaît alors le premier oiseau du grand large : un pétrel toutes ailes déployées suit inlassablement le bateau. Je reste là jusqu’à l’heure du déjeuner toujours à fixer l’horizon… Il faut en profiter. Ces moments de calme, à priori ne dureront pas.



L’après-midi, conférence consacrée à la Réserve Naturelle des Terres Australes, sur son rôle, son fonctionnement et sur les enjeux vis-à-vis des espèces locales, animales ou végétales ; mais aussi sur les impératifs et la conduite à tenir face aux espèces introduites involontairement par l’homme et qui n'ont rien à faire sur ces territoires.



Ensuite, formation à la sécurité lors des héliportages à venir et sur les procédures à suivre pour embarquer ou débarquer de l'hélicoptère. L’exposé est fait par le pilote lui-même dans le hangar où est garé un magnifique hélicoptère Ecureuil.



Fin de journée, pot du Commandant au Forum, le bar situé dans le prolongement de la salle de restaurant. Equipage et passagers se sont réunis sans protocole autour d’un planteur accompagné de nems, samoussas ou beignets de calmars.


Pot d'accueil au bar du Forum

Bien après le dîner, petit quart à la passerelle dans l'obscurité la plus totale.



Ainsi va la vie à bord du Marion dans les mers du sud.





METEO DE L'HEMISPHERE SUD 

Les îles australes de l'océan Indien sont situées dans une zone météorologique portant le vocable redoutable de "Quarantièmes Rugissants".



Pour faire simple (car c'est bien sûr très compliqué) : Les quarantièmes degrés de latitude sud sont la zone où évolue la ligne de friction (le front) entre deux masses d'air qui ne se mélangent pas : au nord l'air tropical, surchauffé dans la zone équatoriale ; au sud, l'air subpolaire, refroidi par la masse considérable du continent Antarctique. Ce front est donc une zone de conflit mouvante qui se déplace en ondulant comme le feraient les boucles d'un voilage de tulle. Instables, ces ondulations vont s'animer, s'amplifier, puis se rejoindre et se refermer pour créer des dépressions d'autant plus creuses que l'écart de température entre les masses d'air est important.



En l'absence de terres ou de continents dans l'hémisphère sud, le front polaire est pratiquement ininterrompu (les seuls obstacles de taille sont la Cordillère des Andes au sud du Chili et la Péninsule Antarctique qui se font face). Il en résulte que les perturbations naissent de façon quasi permanente en plusieurs points du front à la fois. Ce ne sont plus des familles de 3 ou 4 dépressions comme en Atlantique, mais une génération continue qui tourne d'ouest en est autour du globe dans une folle sarabande.



De plus, ces vents violents et persistants transmettent une énergie considérable à la surface de la mer et génèrent un puissant courant d'ouest ininterrompu autour du continent Antarctique. Chaque dépression lève sa mer sur la houle résiduelle des dépressions précédentes. La houle est de ce fait toujours plus ample, donc plus durable et donc encore plus forte quand survient une nouvelle dépression. Le mouvement perpétuel, en quelque sorte !



La valse incessante de ces dépressions fait que les îles australes sont les endroits les plus constamment ventés de la planète et les plus difficilement accessibles à cause de l'état de la mer.
Circulation des vents à la surface du globe.Les flèches bleues représentent les grands vents d'ouest qu'aucune terre ne freine dans l'hémisphère sud


Météo de l'hémisphère sud : anticyclones en rose et train de dépressions au niveau des Cinquantième Hurlants

3 commentaires:

  1. Ah ! Franchir le "mur" des Quarantièmes rugissants ! ça fait de toi un vrai marin mon JJ ! Je lis ton récit passionnément ! Joëlle Lecoq

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  2. ça démarre bien.... vivement la suite ;)

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  3. Hâte de lire la suite ! Maylis dirait :"A quand le livre ?"

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