Jeudi 22 Novembre 2012
Les manutentions semblaient
terminées dès hier soir, donc nuit calme à bord et réveil tranquille ce matin. De
nouveaux passagers sont arrivés hier : une dizaine de chevaux de selle à
destination d'éleveurs antillais et douze vachettes camarguaises pour un
challenge style "Intervilles" en Guadeloupe… Ces animaux sont
installés dans des containeurs adaptés en pontée au milieu du bateau. Cela doit
nécessiter un soin particulier quant à la gestion du fourrage, de l'eau et de
l'entretien des litières. Quant à ce que renferment les autres conteneurs,
mystère.
Malgré la saison, le soleil
brille largement depuis le milieu de la matinée. L'appareillage est prévu à 11
h 30 et l'arrivée en rade du Havre vers 18 h 00. La descente de la Seine va
donc se faire de jour, et qui plus est, sous le soleil…
En surplombant le village de la Bouille |
Et je vais vivre cette descente
comme jamais je n'aurais osé l'imaginer, servi par une météo de rêve et qui va
largement compenser la déception de la remontée de nuit où je n'avais rien vu.
Commence alors une navigation
paisible à travers la Normandie, au fil du fleuve, en longeant une succession de
villages connus, maintes fois visités ou traversés : La Bouille, Duclair,
Caudebec ou Villequier.
En arrière-plan, à mi-hauteur les
pierres blanches de l'abbaye de Saint-Martin de Boscherville contrastent avec
le fond boisé. Plus tard, ce sont les ruines de l'abbaye de Jumièges, qui
dominent les toits d'ardoise du village.
De l'aileron de la passerelle, le
paysage prend une étendue et un relief que je n'imaginais pas, me donnant une
autre vision de sites pourtant familiers.
L'église et l'abbaye de Jumièges telles qu'on ne les voit jamais |
La vue est magnifique, je navigue
en pleine campagne en surplombant de vertes prairies, de petits vergers, en
dominant la cime des peupliers ou des chênes qui ont pris leur couleur
d'automne ou en longeant les falaises calcaires couvertes de bois sombres. Trop
beau !
J'effectue là une descente
triomphale de la Seine. De l'autre côté de la rive, à Sahurs, Evelyne est venue
assister au départ du bateau et me fait des grands signes du bras. Nelly est
sur un appontement à Duclair pour m'adresser un dernier au-revoir. De nouveau,
Evelyne à Caudebec. Emotion… Bien sûr, je réponds aussi à tous ces signes. Et cela
aurait pu être complet si nous étions arrivés plus tôt au Havre, Violaine et
les petits-enfants auraient pu voir passer le bateau devant la quai de la
Capitainerie…
Après Caudebec, le lit de la
Seine commence à s'élargir, laissant place aux grandes zones humides du Marais
Vernier d'un bord, et au complexe pétrochimique de N. D. de Gravenchon de
l'autre. La transition est rude !
Dans le soleil qui descend, la
silhouette du pont de Tancarville se détache dans le contre-jour. Nous arrivons
dans l'estuaire, bordé de marais, de petits étangs, de roselières, le royaume
des oiseaux sauvages. La lumière décline rapidement. Il est 17 h 00, lorsque
nous passons sous le pont de Normandie. Sur la gauche, Honfleur, puis au milieu, le
grand large, et au loin sur la droite, les silhouettes des portiques de Port
2000 et un arrière-plan hérissé de cheminées.
Vue arrière vers le pont de Tancarville |
Arrivés dans la rade du Havre, le
vent fraîchit, la température aussi. 18 h 00, changement de pilote, puis demi-tour
pour s'engager dans le long chenal d'accès au port. Après m'être un peu reposé,
je reprends mon quart sur l'aileron de la passerelle. Il fait nuit noire, il
fait froid. Les lumières de l'agglomération havraise barrent tout l'horizon.
Cela fait une éternité que je
n'ai plus navigué dans ces eaux et pourtant, malgré l'obscurité, tout le
paysage nautique se remet instantanément en place dans ma tête comme si j'y étais
venu la veille au soir. Le phare de la Hève, les feux d'alignement, les bouées
du chenal, tout est toujours là. La seule chose qui me surprenne, c'est la
vitesse à laquelle nous arrivons aux jetées de l'avant-port.
Un remorqueur nous attend. Plus
lentement, nous traversons une bonne partie du port, le bassin aux Pétroles et
ses alignements de réservoirs, les masses sombres des tankers et des minéraliers ravitaillant l'énorme
centrale EDF que je n'avais jamais vue sous cet angle. Une ambiance d'ombres
menaçantes, de projecteurs éblouissants à travers lesquels il faut deviner sa
route. L'atmosphère portuaire nocturne dans toute sa splendeur !
Le bateau évite à l'extrémité du
bassin René Coty. Le pilote donne ses ordres précis pour l'accostage au quai
des Amériques. A 19 h15, les amarres sont raidies et les portiques vont pouvoir
renter en action.
Magnifique la photo de la Bouille ! K
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