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A l'ouest ! Un peu plus à l'ouest ! |
12h00, tous les
passagers sont conviés autour de la piscine du pont 6 pour l'apéritif de
clôture de la croisière. A l'extérieur, le vent est glacial. Après une loterie
à but caritatif pour gagner la carte du parcours, la petite troupe de danse du
bateau et les hôtesses réceptionnistes proposent un court spectacle intitulé
fort à propos "Winter Show". C'est bien réalisé et humoristique.
C'est l'occasion d'un plongeon dans la piscine, qui bien que toujours en
service n'a été que rarement utilisée durant cette croisière…
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Spectacle de clôture sur le pont 6
En arrière-plan, la Russie. A gauche, l'ile Saint-Laurent |
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Il n'y a pas de manchots en Arctique. On pardonne ! |
14h30, après
avoir contourné les curieux rochers isolés de Stolbi, le Soléal fait route au
nord-est vers le petit port de Nome, terme de cette croisière…
Comme à
l'habitude, cette décision du Commandant ne me ravit pas ! Ce sont les heures les
plus difficiles de la croisière, celles où l'on comprend que le voyage touche à
sa fin avant même d'avoir débarqué. On est toujours dans l'ambiance, mais sans
illusions. On voudrait que cela dure en sachant que c'est quasiment fini.
Soupir… !
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Rochers isolés de Stolbi, au nord de l'ile Saint-Laurent |
C'est l'heure du
bilan de ce très long voyage où, en 3 semaines, nous avons parcouru 4.918
milles nautiques (9.100 km), tout au nord du monde en suivant la côte
groenlandaise et en longeant le continent nord-américain. Ce n'est pas rien !
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La totalité du parcours : 4.918 milles marins |
Nous avions
choisi ce voyage, d'abord et surtout, pour l'intérêt de son parcours dans des
régions très peu visitées. Pour ce faire, nous n'avions pas d'autre option que
Ponant qui est la seule compagnie à naviguer sur la totalité de cet itinéraire.
Néanmoins, nous n'étions pas rassurés par l'argumentaire élitiste développé
dans les catalogues de la compagnie, qui insiste beaucoup sur le luxe, le
raffinement, etc, qui dans notre esprit ne sont pas des notions vraiment
compatibles avec une longue "expédition" dans des contrées reculées
au climat incertain.
Les passagers :
Nous avions peur
que cet élitisme entraine à bord une atmosphère compassée et des mondanités où
l'on ne se côtoie qu'entre soi. Peut-être la motivation et l’état d’esprit des
passagers étaient-ils différents de celui d’une croisière conventionnelle
? (L'an passé, à bord de l'Aranui 3, le comportement de deux couples qui ne
juraient que par Ponant nous avaient fait craindre le pire…).
Nous avons
plutôt été agréablement surpris. L’intérêt des deux restaurants et le fait de
ne pas avoir de place attribuée à table ainsi que l'ordre aléatoire des
débarquements en Zodiac™ à permis le brassage des passagers et facilité les
échanges. Cela s’est plutôt bien passé et nous avons côtoyé plusieurs couples dont
les motivations et les goûts étaient proches des nôtres.
Les hommes et les femmes du bord :
J'ai passé
beaucoup de temps à la passerelle… C'est un monde clos et strict avec ses
règles, ses usages, ses silences… qu'il faut savoir respecter. J'y ai trouvé ma
place progressivement sans jamais forcer et personne ne m'a fait comprendre que
j'étais un intrus. J'y ai vécu de bons moments très enrichissants. Les jeunes
élèves-officiers, (qui n'ont pas encore l'habitude d'être longtemps coupés du
monde extérieur), étaient visiblement ravis de pouvoir converser avec les
passagers, quand ils en avaient la possibilité. Les lieutenants, qui sont de
longue date intégrés au système et investis d'une lourde responsabilité,
communiquent moins spontanément mais ils ne refusent jamais de répondre à une
question judicieuse sur leur tâche à bord. Il y a eu avec eux de bons échanges lors des quarts du petit matin ou de début de nuit.
A l'extérieur,
le Commandant est un homme courtois et plein d'humour, toujours dans son rôle. Mais
dès qu'il pousse la porte de la passerelle, il s'investit instantanément dans
la navigation, jauge la situation d'un seul coup d'œil, fait la synthèse de
tous les cadrans de navigation en une seconde et distribue ses consignes en peu
de mots.
Le Commandant se
faisait également un devoir d'informer les passagers en leur annonçant lui-même
les appareillages, les arrivées aux escales, les observations animalières
imprévues, etc… A la radio, il a même réveillé ses passagers pour les inviter à
admirer une aurore boréale, et il ne manquait jamais de conclure ses
interventions par : "Que du bonheur !".
De même, les
guides d’expédition, les naturalistes, étaient toujours très disponibles et à
l'écoute des passagers, même en dehors de leurs interventions. Le fait qu’ils pilotaient
eux-mêmes les Zodiac™ ou qu'il était possible de dîner à leur table favorisait
les relations.
Globalement, sans
s'écarter du cadre professionnel, nous avions l'impression que le personnel
embarqué se sentait proche des passagers et que les rapports étaient plutôt
chaleureux. Sans doute à cause de leur nombre réduit, les passagers n'étaient
ni transparents, ni anonymes.
Le bateau :
De construction
récente (2013), le Soléal avec ses lignes très épurées et son nombre réduit de
ponts ressemble plus à un grand yacht qu'à un gros paquebot. C'est un joli
bateau, sûr, confortable, aux aménagements de bon goût sans luxe tapageur.
Nous disposions
au pont 3 d'une belle cabine dont la sobriété de la décoration nous convenait
bien. Le balcon était un petit plus dont nous avons peu profité… à cause de la
température extérieure qui n'incitait pas au bain de soleil. Pour compenser, la
salle d'eau était équipée d'une cloison vitrée (occultable), qui permettait de
prendre sa douche ou se raser… en regardant la mer. Le luxe suprême !
Ce que nous avons regretté :
· Le
manque de grands cétacés (en dehors d'un important troupeau de narvals aperçu au
Nunavut). Peut-être n'étions-nous pas au bon endroit au bon moment, mais la
vision de ces grands animaux a été trop rare, lointaine et bien fugitive.
· La
quasi absence de banquise. On s'en doutait un peu, mais cela nous a aussi privés
de marcher dessus et d'observer de nombreux phoques.
· L'absence
de morses.
Ce que nous avons aimé le plus :
·
La
météo exceptionnelle au Groenland et au Nunavut.
·
Les
levers de soleil interminables, la couleur orangée du ciel, le violet des nuages
et le rose de la mer et des icebergs au petit matin.
·
Les
couchers de soleil tout aussi interminables et leurs effets dramatiques dans le
ciel.
·
Les
icebergs colossaux du Groenland.
·
L'accueil
des communautés inuites, en particulier celle de Kullorsuaq.
·
La navigation
entre les icebergs de la baie de Kullorsuaq
·
Les
longues observations des ours polaires. Impressionnant !
· Le
pèlerinage historique sur l'île Beechey sur les traces de John Franklin et J-R
Bellot.
·
La
rencontre improvisée en mer avec le rameur français Charles Hedrich.
·
Le
brouillard dans la banquise et l'arc blanc.
·
Les
terrains mouvants de Smoking Hills
·
L'arrivée
aux îles Diomède et l'ambiance mystérieuse de bout du monde.
Avant même de
débarquer, nous savons déjà que nous avons fait un voyage exceptionnel, riche en
émotions, en rebondissements où aucune journée n'était semblable à la précédente.
Alors, pour paraphraser le Commandant : "Que du bonheur !"
18h30, dernier
apéritif au salon du pont 3 avec les amis de cette croisière, puis dîner au
restaurant du pont 2.
21h00, dernier
quart de passerelle. J'en profite pour remercier le lieutenant et l'élève-officier
de m'avoir supporté presque tous les soirs… Au final, c'est le lieutenant et
l'élève qui se sont montrés reconnaissants de leur avoir rendu visite
quotidiennement. Etonnant !
22h00, il a bien
fallu se résoudre à faire les valises et les déposer dans la coursive !