Jeudi 13 Avril 2017 - 23ème Jour
Il pleut fort et c'est la tête enfoncée dans la capuche de l'anorak que
nous quittons la cabane Ribault. Les otaries ne semblent pas gênées par la
pluie et grognent avec véhémence lorsque nous traversons leur territoire avant de
rejoindre la base.
C'est Corentin qui nous accompagne ce matin pour visiter l'usine des
eaux. Il n'y a ni source ni rivière sur l'île Amsterdam et les locaux sont
alimentés grâce à la récupération des eaux de toiture. C'est un sous-officier
de la Marine Nationale qui gère et entretient les installations de traitement
de l'eau de pluie pour la filtrer, la stériliser, la minéraliser. Une fois
potabilisée, l'eau est ensuite stockée dans quatre bâches souples de 100 m3
chacune avant d'être distribuée sous pression dans les différents
bâtiments. La moindre défaillance de l'usine tournerait vite à la catastrophe. La
fiabilité permanente de l'installation est donc capitale pour la base qui n'a
pas d'autre moyen pour faire face à sa consommation ; celle-ci devant être
aussi mesurée que possible.
Après cette visite technique, nous partons explorer les coins les plus
secrets de cette île volcanique. Il y a bien longtemps, en se refroidissant, la
lave s'est solidifiée sous forme de tunnels qui ont suivi la pente naturelle.
Ces tunnels sont un vaste terrain d'exploration pour les aventuriers de l'île.
Des effondrements de ces tunnels ont été aménagés en lieux de loisirs
par les résidents. Ainsi, nous avons pu visiter le jardin "des
Météos" (même s'il n'y a plus de météorologue à AMS depuis quelques
années…) installé dans une faille de lave où poussent encore quelques rares
légumes. A quelques pas de là, au fond d'une grotte obscure, nous avons pu
pénétrer dans l'énigmatique "Otarie Club". L"Otarie Club"
serait-il une sombre société secrète ? Mystère ! Brrrrr !
Le jardin "des
Météos" encastré dans l'effondrement d'un tunnel de lave
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11h45, réception des passagers visiteurs à "La Résidence",
qui est le bureau et le logement du DisAms, le chef de district. Il est le
représentant du Préfet des T.A.A.F. et également de l'Etat. En plus de
l'administration de la base, il occupe également les fonctions d'officier
d'état-civil et d'officier de police judiciaire. Dans son bureau, figurent en
bonne place le drapeau tricolore, celui des T.A.A.F. ainsi que la photo
officielle du Président de la République, comme dans n'importe quelle mairie.
Le bureau du chef de district
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La clé de la base remise
symboliquement lors de la passation des pouvoirs entre chefs de district
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Le DisAms nous explique longuement ses multiples fonctions de
gestionnaire et de DRH responsable des rapports harmonieux entre les résidents.
Bien sûr, l'entretien se conclut autour d'un verre… Sympa !
C'est aujourd'hui l'entrée en fonction du nouveau cuisinier qui pouvait
difficilement faire plus que le précédent… donc, il a essayé de faire mieux. Et
il a particulièrement réussi un joli buffet où, en dehors du saumon et de la
légine à la tahitienne, trônait également un magnifique plateau de langoustes
locales. La langouste d'Amsterdam est une variété de petite taille à la chair
et à la saveur très fines. Les amateurs ont apprécié, il n'est rien resté du
plateau…
La spécialité locale : Les
succulentes langoustes d'Amsterdam
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C'est sur cette note gastronomique que s'achève notre long séjour sur
l'île Amsterdam. Rendez-vous est fixé à 14h30 pour embarquer dans
l'hélicoptère. Toujours sous la pluie, tous les résidents et le DisAms nous
accompagnent jusqu'à la DZ pour un au-revoir chaleureux.
Attente de l'hélicoptère sur la
DZ (Drop Zone)
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Sacs de courrier sur la DZ
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Rotation de l'hélico.
Les deux "Playmobils" en rouge sont chargés de la sécurité des embarquements |
Un dernier signe de la main, quelques secondes de vol et nous
retrouvons le Marion Dufresne. Après ces trois jours spartiates passés à
l'extérieur, c'est un peu comme si nous revenions à la maison... On retrouve le
confort douillet de sa cabine !
Avant notre retour, quelques marins du Marion ont jeté des lignes à
l'eau et nettoient maintenant le produit de leur pêche à la plus grande
satisfaction des pétrels et des albatros du quartier qui se disputent le
moindre déchet tombé à l'eau. Malgré leur taille, ces oiseaux sont
impressionnants d'agilité qui n'a d'égal que leur voracité. Pas de cadeaux !
Le moindre morceau de poisson
est âprement disputé
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Pétrel géant et grand albatros
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Le ciel se charge davantage et le vent se renforce juste au moment de
l'appareillage à 16h15. Le Marion donne un long coup de sirène auquel répondent
par de grands signes de bras tous les résidents toujours groupés sur la DZ.
L'émotion de ceux qui quittent AMS est palpable. Des cris se perdent dans le
vent… Le bateau entame un large
demi-tour, cap vers le sud-ouest de l'île pour une dernière manip héliportée.
Le laboratoire de Pointe B vu
du large
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Le Marion suit de près l'île
Amsterdam dont le relief est entièrement masqué par les nuages bas. Sous la
pluie, le paysage est bien terne. Pourtant, avec de hautes falaises basaltiques
tombant brutalement dans la mer, les côtes sont grandioses, mais la lumière n'y
est pas. Dommage !
Côte sud-ouest d'Amsterdam
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Le vent se renforce brusquement au détour d'un cap. La mer blanchit et
les rafales montent jusqu'à 50 nœuds… Au-delà, l'hélico ne peut pas décoller ! Néanmoins,
le Marion poursuit jusqu'au sud-ouest de l'île et stoppe au large des très
hautes falaises d'Entrecasteaux, un site impressionnant. C'est un repaire
d'oiseaux marins (gorfous et albatros), suivis régulièrement par les
ornithologues. Ceux-ci disposent d'une cabane au pied des falaises pour
réaliser leurs manips. Eloignée de la base, cette cabane est difficilement
accessible depuis les hauteurs de l'île, il faut même emprunter une sorte de
via ferrata sur une partie de la descente (et de la remontée)… Sportif !
Le Marion Dufresne et l'hélicoptère sont ainsi les moyens les plus
pratiques pour le transport des VSC ou du matériel… quand le bateau est de
passage. C'est le cas ce soir, où l'hélico a finalement pu décoller pour
récupérer une énorme caisse de matériel hors d'usage qu'il aurait été difficile
de remonter à dos d'homme par la via ferrata. La manip a été résolue en dix
minutes !
A la toute fin de l'opération, quelques rares rayons de soleil ont
réussi à passer à travers un ciel particulièrement chargé illuminant les
falaises de teintes étonnantes.
Bref rayon de soleil sur les falaises d'Entrecasteaux |
17h45, appareillage de la baie d'Entrecasteaux. Le Marion quitte
définitivement les îles australes et entame une longue route qui nous mènera
jusqu'à l'île de Tromelin (District des Îles Eparses). Ce sont cinq
jours et demi de navigation et 1.850 milles marins (3.400 km) qui nous
attendent avant d'y arriver.
D'ici là, Cap au nord-ouest, vers le beau temps et la chaleur.
Je comprends que le retour soit difficile.
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