Mercredi 31 Octobre 2018
Changement d'heure durant la nuit. On remonte le temps et la
journée suivante ne dure que 23 heures. Peu de monde au petit-déjeuner ce matin
! Est-ce dû au décalage horaire ou bien à la mer agitée durant la nuit ?
Malgré l'état de la mer, le Commandant a poussé les machines
cette nuit pour arriver à l'île de Pitcairn en milieu de journée et ainsi se donner
toutes les chances de pouvoir y débarquer pour peu que la météo évolue
favorablement.
Mer agitée avant l'arrivée à Pitcairn |
Mais on peut déjà en douter dès le début de matinée. L'étrave soulève de belles gerbes d'embruns qui souvent montent jusqu'à la passerelle. A cause de falaises très abruptes et en l'absence de véritable port, faire escale à Pitcairn suppose un temps absolument calme, sans vent et surtout sans houle. Pas gagné ! Les mutins du Bounty ne s'y étaient pas trompés pour se cacher (voir encadré ci-dessous).
13h45, l'île apparait loin dans le cap, brouillée par les
embruns. Une heure plus tard, Pitcairn se découvre plus nettement, gros caillou
escarpé et verdoyant, posé au milieu du Pacifique. En liaison radio avec les
locaux, le Commandant compte mouiller le Boréal au nord-ouest de Pitcairn et
essayer de nous y faire débarquer.
Pitcairn, droit devant ! |
C'est sans compter avec le courant et la houle qui tournent
autour de l'île et aussi le vent qui se renforce près de la côte… Le bateau est
instable, malmené par la forte houle. La "marina", la vaste
plate-forme à l'arrière du bateau et qui permet d'embarquer dans les canots est
régulièrement submergée par le ressac… Dangereux !
La côte nord-ouest de l'île de Pitcairn |
16h15, le débarquement est officiellement annulé, au grand
désappointement de tous les passagers qui attendaient beaucoup de cette escale
exceptionnelle. Grosse déception, y compris pour le Commandant qui y tenait
beaucoup. Seule la mer décide ! Le débarquement est remplacé par une courte
navigation pour admirer la côte nord-est de Pitcairn jusqu'au large
d'Adamstown, la capitale où résident la cinquantaine d'habitants de l'île.
Courte navigation au large d'Adamstown, la capitale de l'île Pitcairn |
Le Boréal reste en position le temps que les Pitcairnais
mettent en place le plan B et accostent le paquebot avec leur grosse chaloupe métallique. Environ quinze
d'entre eux embarquent acrobatiquement à bord avec de gros sacs, puis
investissent le grand salon pour exposer leurs ouvrages artisanaux. Les
affaires ont été florissantes !
Une quinzaine de Pitcairnais à l'abordage du Boréal. De vrais marins, dignes descendants des mutins du Bounty |
L'artisanat local est exposé... et vendu dans le grand salon |
HMS BOUNTY
Fin 1787, l'Amirauté britannique missionne le capitaine
William Bligh à bord du HMS Bounty afin de se rendre à Tahiti pour charger
des plants d'arbre à pain, les transporter et les acclimater aux Antilles
afin de nourrir à bon compte les esclaves qui s'échinent dans les plantations
de canne à sucre.
Mais le voyage aller s'avère difficile. A l'époque, la
Royal Navy n'est pas réputée pour sa tendresse et le capitaine Bligh lui-même
est un commandant brutal et tyrannique qui sait manier le "chat à neuf
queues" (le fouet) pour stimuler ses hommes. N'ayant pu franchir le cap
Horn à cause des vents et courants contraires, le navire rebrousse chemin,
double le sud de l'Afrique et de l'Australie avant de mouiller dix mois plus
tard dans la baie de Matavai à Tahiti au plus grand soulagement de l'équipage
malmené par son capitaine.
Arrivé trop tard, le navire est obligé d'attendre durant
plusieurs mois la saison favorable à la transplantation des nouvelles pousses
d'arbre à pain. La discipline se relâche lors de cette escale forcée et
plusieurs incidents ont lieu. Les membres d'équipage ont de plus en plus de
mal à accepter l'autorité du capitaine Bligh, d'autant que les marins
désœuvrés s'adaptent sans peine au rythme tropical. Ils cèdent vite à la
langueur polynésienne et la plupart d'entre eux se lient avec des
Tahitiennes.
Début avril 1789, le Bounty quitte Tahiti après avoir
chargé un millier de plants d'arbre à pain et se dirige vers les Antilles.
Sitôt en haute mer, Bligh restaure la discipline habituelle aux navires
britanniques, contrainte mal supportée par les marins nostalgiques de la
douceur de leurs compagnes tahitiennes…
A la suite d'un incident mineur fin avril 1789, le
lieutenant Fletcher Christian fomente une mutinerie contre le capitaine Bligh.
Celui-ci est débarqué avec dix-huit marins restés fidèles dans une petite
chaloupe non pontée et sont abandonnés en pleine mer. (Bligh réussira
l'exploit de rejoindre l'île de Timor au terme d'un périple de 6.000
kilomètres, puis à regagner l'Angleterre où il pourra rapporter sa
mésaventure à l'Amirauté).
A la tête de vingt-quatre hommes, Christian prend alors le
commandement du Bounty et retourne à Tahiti où plusieurs matelots débarquent.
Sachant les autorités britanniques peu clémentes envers les actes de
mutinerie, Christian et huit marins restants se lancent dans une fuite
effrénée à travers le Pacifique, accompagnés de dix-huit Polynésiens (dont
douze femmes et quelques enfants). En janvier 1790, ils finissent par aborder
l'île inhabitée de Pitcairn, alors mal connue et surtout mal située sur les
cartes d'alors.
Pour éviter d'être repéré de loin par la Navy, le Bounty
est échoué et brulé. Il n'y a plus d'échappatoire possible. L'installation à
Pitcairn va rapidement virer au drame.
Le nombre inégal d'hommes et de femmes crée des rivalités mortelles.
Les Tahitiens se révoltent contre les Anglais qui les traitent comme des
serviteurs. Fletcher Christian est tué en 1794 et les veuves tahitiennes des
Anglais assassinés se vengent en tuant à leur tour tous les Polynésiens.
Au final, un seul mutin survit, John Adams, entouré de
plusieurs femmes et des descendants issus des unions entre ses anciens
camarades et les premières Tahitiennes. L'ambiance s'apaise et Adams se
consacre à l'éducation de tous les rescapés grâce à la lecture de la Bible du
capitaine Bligh.
En 1808, un capitaine baleinier américain à bord du Topaz
découvre l'île de Pitcairn qu'il pensait déserte et est bien surpris en
rencontrant une communauté composée d'une trentaine de Pitcairnais, de type polynésien mais parlant parfaitement anglais.
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Vraiment passionnante cette histoire et je comprends ton regret de ne pas avoir pu débarquer dans cet endroit mythique... qui gardera donc son mystère. Pas de chance avec la météo dans ce voyage :( Mais ton récit est toujours très intéressant à lire!
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