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14 Août à 06h45 - Encore un lever à l'aube que je ne regrette pas
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03h30, Le Bellot navigue très au large du cap
Creus, marquant ainsi son entrée dans le golfe du Lion et dans les eaux
françaises. Le cap suivi par le bateau mène directement à Marseille, signifiant
la fin prochaine du voyage. Comme à chaque fois, cette journée n'est pas la plus réjouissante de la
croisière.
09h30, la terre se dessine en filigrane dans la
brume côtière signifiant le retour en France. Le Bellot est en approche de
Marseille pour y faire escale vers midi. Lentement les contours du littoral se
précisent et le paysage se met progressivement en place : les îles Riou et
Jarre face aux Calanques, les hauteurs à l'est de Marseille, les îles du Frioul
et enfin, la silhouette lointaine et caractéristique de N-D de la Garde qui
veille sur la ville.
Au loin, voiliers, canots à moteurs, jets-skis ou
vedettes touristiques sortent en rangs par 12 du Vieux-Port. En pleine période
estivale, il y a beaucoup d'activité dans la rade. Quelques cacous locaux sur
leur beau bateau à moteur de location s'aventurent autour du Bellot, sono à
donf… (Neuf jours de mer et l'on avait déjà oublié la civilisation !).
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Dans les îles du Frioul, l'imposante forteresse du Château d'If, au milieu de la rade de Marseille
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Le Bellot emprunte l'étroit passage entre l'île
Ratonneau et l'île du Château d'If où le pilote du port embarque à bord. Il
guide le navire jusqu'au port de la Joliette pour accoster peu avant midi
devant le musée du Mucem et au pied de la cathédrale de la Major. A peine à
quai et la chaleur s'abat sur le bateau. Le soleil tape fort !
De nouveau, je profite de la climatisation du
restaurant pour déjeuner, et ce midi le chef a concocté un aïoli marseillais
accompagné d'un verre de rosé du Ventoux bien frais. Provence oblige !
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Le Bellot amarré dans le port de la Joliette
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La vaste cathédrale de la Major surplombe les quais de la Joliette
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Après le déjeuner, je me jette dans la fournaise !
Nous sommes en escale ici pour l'après-midi et le temps est compté. Depuis le
quai, quelques pas suffisent pour rejoindre le quartier du Panier qui domine
également le Vieux-Port. Un lacis de ruelles et d'escaliers grimpe à l'assaut
de la pente et donne à ce quartier ancien et pittoresque des airs de
sous-préfecture provençale. Cela laisse l'impression de déambuler dans un
village plutôt que dans une métropole grouillante.
Quelques placettes ombragées accueillent de
nombreuses terrasses de cafés et de petits restaurants. Une multitude de
graffitis "décorent" les façades décrépites d'immeubles vétustes ; ce
n'est pas le street-art de Valparaiso, mais il y a de l'inspiration… Ce
quartier a une âme.
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Le quartier du Panier, une autre vision de Marseille
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Street-art marseillais
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La tour du Roi René et le Fort Saint-Jean construits autrefois pour défendre le port
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Ensuite détour par le quai qui ceinture le Fort
Saint-Jean qui protégeait autrefois l'entrée du Vieux-Port. La rénovation de ce
site historique est plutôt réussie. En grimpant au sommet de la tour du Roi
René, la vue dominante sur la totalité du Vieux-Port et sa passe d'entrée est
époustouflante. Le cœur historique de la cité marseillaise est devenu un vaste
bassin de plaisance, mais quel spectacle !
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Lieu emblématique de Marseille, le Vieux-Port
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L'architecture caractéristique et l'habillage des façades du Mucem
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A travers la résille de béton du Mucem, vue sur le Palais du Pharo et l'accès au Vieux-Port
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Une longue passerelle relie le Fort Saint-Jean au
nouveau Mucem. Le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée est
un vaste cube cerné sur deux côtés par une résille en béton pour le moins
surprenante, opaque vue de l'extérieur, transparente lorsque l'on chemine à
l'intérieur. En dehors des expositions permanentes, ce musée abrite bien sûr
des expositions temporaires, dont l'une est consacrée aux œuvres de la
collection Pinault.
Ainsi, le principal actionnaire de la compagnie
Ponant a réussi à faire accoster aujourd'hui l'un de ses bateaux au pied du
musée qui abrite ses propres collections. Trop fort !
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Reflets sur la façade principale du Mucem
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17h30, tous à bord ! Les amarres sont larguées une
heure plus tard et le Bellot quitte lentement le bassin de la Joliette pour sa
dernière étape vers Nice. Après avoir laissé le Château d'If sur tribord, le
bateau navigue au large des Calanques alors que l'agglomération marseillaise
s'estompe dans la brume de chaleur.
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La tour CMA CGM (à gauche) et celle du Centre d'Affaires La Marseillaise ne passent pas inaperçues
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En fin d'après-midi, la "Bonne Mère", autre symbole de Marseille
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Avant le Calanques, l'ancien sémaphore de Callelongue
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Le bout du monde au sud de Marseille : les Goudes
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Fin de journée, l'arrivée de plusieurs ferries venant de Corse
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En fin d'après-midi, alors
que l'on arrive presque au terme du voyage, je goûte un moment de calme sur la terrasse du pont 6 en sirotant un verre. Cela
aurait pu être une magnifique soirée en mer si je ne vivais là les dernières
heures nonchalantes de la croisière. Avant que la nostalgie ne m'envahisse, je
profite de ce dernier moment face à l'horizon, face
au large, en tête à tête avec la mer. Et ce soir, météo aidant, c'est
idyllique…
Accoudé au bastingage, la pensée
s'évade. Durant neuf jours, chaque journée a passé ainsi, apparemment
semblable à la précédente et pourtant toujours différente sans que jamais
l'ennui ou la lassitude n'apparaissent.
Le temps s'est déroulé de lui-même, sans autre contrainte
d'importance que les horaires des repas… Tout le reste n'était qu'une question
d'organisation personnelle où chacun a vécu à son propre rythme, selon ses
envies ou ses centres d'intérêt.
Neuf journées sans autre décor que la ligne d'horizon, cela
pourrait sembler très long. Pourtant, la déconnexion avec le temps qui passe
s'est faite rapidement, en moins de deux jours pour la plupart des passagers.
Ce convoyage de Saint-Malo à Nice
à bord du Bellot a été pour la majorité d'entre nous une grande bouffée
d'oxygène bénéfique après des mois de contraintes. Retrouver le goût du large
et les vastes horizons fut pour beaucoup de voyageurs une thérapie salutaire
aidant à évacuer des mois de frustration… Une volonté de retrouver ses marques,
une trêve bénéfique en attendant les jours meilleurs, concrétisant une grande envie
de re-vivre ! C'est ce qui est revenu le plus souvent dans les conversations.
La nuit est tiède et je ne peux
m'empêcher de retourner vers le pont 6 pour une dernière piqure de rappel avant
l'arrivée. S'il n'y avait l'éclairage du bateau, il serait possible de bien
observer les étoiles. Le Bellot est déjà par le travers de la rade de Toulon,
reconnaissable au halo lumineux de son agglomération. Plus loin, ce sont les
deux éclats du phare de la pointe sud de Porquerolles et au-delà, le phare du
Titan sur l'île du Levant. Nice se rapproche !