MERCREDI
09 SEPTEMBRE 2015 - Jour 17 - SMOKING HILLS - (Territoires du Nord-Ouest)
Ce matin, le
Soléal achève de traverser le golfe d'Amundsen et par là même arrive quasiment au
bout du Passage du Nord-Ouest. Depuis l'été 2013, le Soléal est le quatrième
paquebot à réaliser la totalité de ce parcours. Autrement dit, nous sommes dans
les 800 hardis précurseurs à avoir navigué dans ces eaux réputées difficiles.
Des eaux
réputées difficiles ! En 1845, il y a exactement 170 ans, l'expédition menée
par John Franklin était contrainte d'hiverner dans les glaces qui obstruaient
le Passage. Il y a à peine 110 ans, Amundsen réussissait le challenge au prix
de deux hivernages. Cette année, nous l'avons franchi sans être aucunement
gênés par la banquise.
Les choses ont
donc changé rapidement. Que sont 110 ou même 170 ans dans l'histoire de la
Terre ? Le fait est là, si elle n'a pas complètement disparu, la banquise a déjà
fortement reculé en gelant de plus en plus tard et en fondant de plus en plus
tôt. Tout l'équilibre de cette vaste région s'en trouve fortement perturbé. Les
animaux s'éloignent en suivant le recul de cette banquise. Les habitants, devant
chasser de plus en plus loin et de moins en moins longtemps, sont contraints de
modifier leur alimentation et à court terme, leur mode vie.
Ca, c'est le
constat. Après, évolution naturelle du climat ou influence humaine ? Qui, sait
?
06h15, le jour
se lève difficilement, nuages gris et plafond bas. Peu de temps après, les
côtes sombres du continent commencent à sortir de l'horizon brumeux.
Cap au sud-ouest,
le navire rejoint dans la baie de Franklin l'un des sites les plus caractéristiques
du Nord Canada : les "Smoking Hills". C'est ainsi que John Franklin
avait nommé ce lieu lors de sa seconde expédition terrestre dans cette région
en 1826 (donc bien avant la funeste recherche du Passage du Nord-Ouest qui lui
a coûté la vie en 1847). Ainsi, l'ombre de Franklin aura plané au-dessus du
Soléal et de ses passagers durant toute la partie canadienne de cette croisière…
Smoking Hills, les biens nommées |
Du pont du
Soléal, nous voyons bien le profil sombre des "Collines Fumantes". De
loin, on pourrait trouver des similitudes avec certains paysages d'Islande.
Pourtant, cette curiosité géologique n'a rien à voir avec le volcanisme.
09h45, la matinée
est davantage consacrée à l'observation plutôt qu'à la randonnée sportive. Nous
débarquons sur une petite plage de galets noirs ou rouges mélangés à du sable
orangé. En face de nous, des accumulations désordonnées de roches multicolores,
des effondrements de terre allant du noir au blanc ou de blocs passant du rouge
brique au jaune. Un véritable chaos minéral.
Les roches de
ces collines sont essentiellement constituées de schistes bitumineux qui mélangés
à du soufre et du lignite s'enflamment spontanément au contact de l'oxygène de
l'air en produisant de grands panaches de fumée que l'on peut observer depuis
le large.
Au fur et à
mesure de la combustion, les roches les plus dures se désagrègent, se
transforment en matériaux friables et sans tenue qui finissent par s'effondrer.
L'eau contenue dans le lignite sert de lubrifiant entre les différents
minéraux, ce qui accélère le glissement de ces terrains instables, laissant apparaitre
de nouvelles masses de schiste qui brulent à leur tour. Cela fait des siècles
que cela dure et cela continuera encore longtemps…
Toute cette zone
est en évolution permanente, ce qui s'effondre en haut pousse les autres matériaux
vers le bas, vers la mer. Sur la plage, certains cheminements sont à peine
praticables, il faut choisir la bonne heure de marée pour visiter !
Au sud du site, l'accès
en bord de plage est encore plus difficile car la zone est très active avec de larges
traces de soufre sur les roches. Les fumées sont plus denses, plus abondantes et
le vent rabat des relents acres de soufre ou de bitume chaud.
Nous restons sur
le site près de deux heures à passer de surprise en étonnement, à progresser au
cœur d'un immense kaléidoscope naturel. Au rythme de notre visite, les formes,
les couleurs évoluent constamment. Etonnant !
Echantillons de minéraux |
11h45,
rembarquement à bord des Zodiac™ pour rejoindre le navire qui appareille à
12h00 pour une après-midi et une nuit de navigation. Un peu plus tard, le
Soléal double le cap Bathurst qui marque l'entrée de la mer de Beaufort. Cette
mer lointaine n'a pas la réputation d'être facile, avec de forts coups de vent
imprévisibles. La chance météorologique qui nous accompagne depuis le début de
ce voyage va-t-elle se poursuivre ?
![]() |
Retour à la marina |
Le passage du
Nord-Ouest est maintenant dans le sillage… En toute sécurité, nous avons confortablement
vaincu le mythe ! Difficile de ne pas avoir une pensée émue envers tous ceux
qui y ont souffert et péri. La mer s'est refermée sur eux et leur sacrifice reste
inscrit dans l'Histoire…
15h00,
conférence au théâtre "L'Arctique et ses enjeux stratégiques"
présentée par Ombline sur la géopolitique régionale : les zones économiques,
les ressources sous-marines ou du sous-sol, les influences politiques… Vastes sujets
complexes qu'elle a fort bien évoqué.
17h00, visite de
la salle des machines en compagnie d'une dizaine de passagers et guidée par le
Chef-Mécanicien lui-même. La propulsion du bateau est du type
diesel-électrique. Les deux arbres d'hélice sont entrainés par deux moteurs
électriques, eux-mêmes alimentés par deux, trois ou quatre groupes électrogènes
selon les besoins en puissance. Il y a un cinquième groupe, installé en dehors
de la salle des machines pour subvenir aux besoins en électricité, au cas où !
L'ensemble de ces installations est beaucoup plus compact que ce que j'avais vu
précédemment sur le porte-conteneurs Fort Sainte-Marie.
Ainsi, le Soléal
poursuit sa navigation bien au large des côtes basses du delta du fleuve
Mackenzie et au-delà vers le Yukon.
Que d'émotions j'imagine alors que le passage est bouclé. On touche du doigt des moments historiques et des aventures humaines extraordinaires.
RépondreSupprimerFascinantes ces collines fumantes! Je n'avais jamais entendu parler de ce phénomène.
Superbes ces collines fumantes, de belles couleurs.
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