DIMANCHE
06 SEPTEMBRE 2015 - Jour 14 - ILES VICTORIA ET EDIMBOURG - (Nunavut)
Le Soléal est
resté à l'ancre pour la nuit à quelques encablures de l'île Victoria, face à l'embouchure
d'une petite rivière, que l'on baptisera la rivière sans nom. Bien que le
mouillage ne soit pas protégé, la mer est restée très calme et aucun roulis
n'était perceptible à l'intérieur du bateau. Donc, on a encore mieux dormi et
ce matin, pas de quart de passerelle.
Pâle soleil et
ciel clair. Nous débarquons à 08h00 dans la fraîcheur du petit matin pour faire
une randonnée vers une petite cascade en traversant la toundra humide. Devant
nous, un paysage en pente douce et régulière ne semble pas avoir de limites.
Nous marchons
sur un sol souple entrecoupé de zones plus molles. Le sous-sol gelé en
permanence ne peut drainer la couche superficielle qui garde son humidité et se
transforme en tourbe dans laquelle on s'enfonce à chaque pas. Si elle ne pousse
qu'au ras du sol, la végétation est étonnamment dense et diversifiée :
champignons, saxifrages, carex et autres linaigrettes aux jolies touffes
blanches (mes connaissances en botanique ne vont pas bien loin !). Toutes ces
plantes et ces "arbres" se blottissent les uns contre les autres pour
éviter la déperdition de chaleur durant le très court été et ainsi favoriser
leur pousse. Les spécimens de saules ou de bouleaux arctiques culminent bien à
15 ou 20 cm de hauteur… Autrement dit, nous survolons la canopée… Et de très
haut !
Nous progressons
en surplombant une petite gorge au fond de laquelle coule un ruisseau peu
profond et vers l'amont nous arrivons à une cascade de cinq ou six mètres de
hauteur qui est le but de la balade. C'est la cascade sans nom ! Le site n'a
rien d'exceptionnel, mais le ruisseau et la cascade transforment un cadre rude
en un paysage agréable à contempler. Sur l'autre rive la végétation est
différente, avec davantage de fleurs mauves, jaunes ou blanches. Il est
étonnant de comprendre que dans une région aussi difficile la végétation soit
aussi riche.
Alors que nous
sommes en extase devant les petites fleurs, nous entendons crépiter les radios
VHF simultanément et ressentons une certaine nervosité dans les échanges entre
naturalistes. L'un d'entre eux a cru voir une silhouette blanche se déplacer à
peu de distance des randonneurs.
Repli général et
immédiat près de la rivière ! Ours, ou pas ours ? Aux jumelles, l'un des
naturalistes à reconnu la bête comme étant plutôt un loup arctique, également
de couleur blanche, ce qui a pu rapidement entrainer la confusion. C'est parait-il
très rare d'en observer, car cette espèce serait assez craintive vis-à-vis de
l'homme.
Le calme revenu,
nous suivons le cours de la rivière et traversons plusieurs petits gués avant
de rejoindre la plage où nous attendent les canots. Une promenade matinale
vivifiante !
11h00, le Soléal
reprend la mer pour une courte navigation jusqu'à une baie dans l'île Edimbourg
où il arrive à 14h00. Le bateau est à l'ancre, coincé entre un îlot et les curieuses
falaises de Brabant Bluffs, faites d'orgues basaltiques rouges.
Le ciel se
couvre, le vent se lève et un peu de pluie tombe lors de notre transfert en Zodiac™
vers la plage, située en contrebas d'une large vallée encadrée de roches noires.
Sur place, il nous faut suivre une longue pente douce vers un col peu élevé. La
marche est malaisée dans la tourbe molle et des trous d'eau qui mettent les
chevilles à rude épreuve.
Encore un
paysage de toundra humide avec ses plantes poussant à profusion au ras du sol.
De notre hauteur, cela parait uniforme, alors qu'en se baissant c'est un enchevêtrement
de végétation : champignons multicolores, saxifrages, mousses… En y regardant
de plus près, on découvre aussi des baies bien cachées, des myrtilles noires ou
des airelles rouges que les Canadiens appellent canneberges.
La végétation touffue
prend ses couleurs d'automne. Et puis, il y a la forêt ! Une forêt dense de
bouleaux, d'aulnes ou de saules arctiques qui rampent à ras du sol. Aucun de
ces arbres nains ne correspond à ce que nous sommes habitués à voir, ni en
forme, ni en feuillage. Les espèces les plus vigoureuses font 20 à 30 cm de
hauteur, les spécimens les plus protégés du vent ne vont jamais au-delà de 50
cm. Le plus étonnant est que ces arbres, habitués aux conditions climatiques
les plus rudes et aux sols les plus pauvres, arrivent à prospérer sur la
pierre, prenant racine dans la moindre anfractuosité de la roche. Les falaises
de basalte sont couvertes de buissons jaune d'or.
Une forêt pousse sur la roche |
La balade se
poursuit jusqu'au col d’où l'on profite d'une situation dominante sur le bras
de mer qui sépare les îles Victoria et Edimbourg.
17h40, appareillage.
Le ciel gris qui a prévalu tout l'après-midi s'éclaircit. Même si les nuages
restent, la luminosité s'améliore lentement vers l'ouest. Peu après le départ,
le soleil au couchant n'est pas là mais les nuages encore bien présents se
colorent subtilement.
21h30, quart de
passerelle. Dans le peu de luminosité qu'il reste sur la mer, on devine la
silhouette d'un remorqueur tirant deux barges chargées de quelques conteneurs
et d'engins de levage. Sans doute procèdent-ils au ravitaillement des
communautés de la région ? Les feux de route du bateau et des barges vacillent
dans la pénombre puis disparaissent dans la nuit.
23h15, après la
mise à jour des notes quotidiennes et le transfert des photos et vidéos dans
l'ordinateur, je passe en mode nuit. Je ne suis pas encore complètement sous la
couette que le haut-parleur de la cabine grésille. Avec la voix la plus suave
possible vu l'heure, le Commandant informe les passagers qu'une aurore boréale
est maintenant visible sur bâbord.
Branle-bas de
combat ! Bâbord, c'est notre côté ! En petite tenue, nous sortons sur le
balcon. Effectivement, une jolie aurore évolue dans le ciel… Un voile
blanchâtre ondule très haut, cela bouge doucement, disparait un peu, revient en
larges volutes. Dans nos différentes pérégrinations, nous n'en avions encore
jamais vues. Cette nuit, c'est la première fois. Oui, c'est très beau ! La
réussite de ce voyage est donc totale.
L'aurore
continue d'évoluer dans le ciel et manifestement cela se déplace vers l'avant
du navire, nous obligeant à nous vêtir plus sérieusement pour aller observer le
phénomène sur la terrasse du pont 7.
Vu le ciel
nuageux de la soirée, personne ne pouvait imaginer une telle apparition. Moi non
plus, je ne m'y étais pas préparé. Le pied photo n'est pas opérationnel et l'appareil
photo non plus… Damned ! Je fais les réglages au jugé. La réussite n'est forcément
pas au rendez-vous, difficile de poser sans bouger, d'autant que le bateau
avance à 15 nœuds.
Il y a foule sur
le pont 7 pour admirer cette aurore qui anime le ciel. C'est un rideau de
lumière fluide qui tombe, s'éloigne, revient, s'éteint ou se rallume doucement.
Un long ruban de lumière serpente au-dessus du bateau. Les couleurs évoluent
délicatement, de blanc à verdâtre avec quelques pointes de rose ou de violet
sur la frange. Il y a des passionné(e)s de ces aurores, je comprends mieux
maintenant. C'est vraiment fascinant.
L'aurore revient
vers l'avant du bateau en même temps que la lune sort de l'eau sur tribord. Ce
soir, c'est trop !
Ooooooh... Aaaaaah... furent nombreux, j'imagine ;)
RépondreSupprimerComme Paul, "Aaaaaaah" ça a été ma réaction en lisant la fin de cette journée! ;) Quelle chance vous avez eu!
RépondreSupprimerLe reste aussi est très intéressant, en particulier toutes tes photos de végétation miniature, bien plus riche et étonnante qu'il n'y parait.
Oui, beaucoup chance ce soir là et les autres jours aussi. Pour les photos des aurores, il est bien difficile de t'égaler...
SupprimerQuelle chance d'avoir vu ces aurores boréales, j'aurai bien aimé être à votre place.
RépondreSupprimerJ'aime bien la toundra avec ces couleurs d'automne, c'est très joli.