ARRIVEE EN ANTARCTIQUE - DETROIT DE MATHA

Samedi 18 Décembre 2021 - Au petit matin, j'ai maintenant repris l'habitude de consommer le premier café au salon du pont 9, autrement appelé "L'Observatoire". Installé dans un confortable fauteuil et en dominant tout l'horizon, je viens jauger l'état de la mer et la couleur du ciel.

Vue du salon observatoire au pont 9

La coursive extérieure du pont 5 fait tout le tour du bateau

Le Commandant Charcot arrive ce matin au bout du Drake. Finalement, à part les toutes premières heures, cette traversée tant redoutée s'est plutôt bien déroulée et se termine sur une mer apaisée. A partir de maintenant nous naviguons sur les traces de J-B Charcot et mettons le cap vers le détroit de Matha. Lors de sa première expédition de 1903-1905 à bord de son trois-mâts Le Français, J-B Charcot avait baptisé ce large bras de mer (entre l'archipel des îles Biscoe et la grande île Adélaïde), du nom d'André Matha, lieutenant détaché de la Marine Nationale pour cette expédition et responsable des travaux d'hydrographie et d'observation des marées.

 

 

Notre Capitaine n'a pas choisi au hasard le détroit de Matha pour marquer l'extrémité du Drake. A 11h15 exactement et grâce à une navigation millimétrée, la mer s'est transformée instantanément en surface glacée en même temps que nous franchissons le Cercle Polaire antarctique, ligne fictive remarquable de la surface du globe à 66°33' Sud. A cette latitude, le soleil tangente l'horizon à minuit lors du solstice d'été, le 21 décembre (et ici, c'est dans trois jours). Autant dire que nous vivons maintenant dans le jour permanent… même la nuit !

 

Je partage la même satisfaction que le Capitaine qui semble bien content d'avoir passé cette ligne hautement symbolique. Même si cela ne sert strictement à rien, atteindre ce parallèle bien particulier du globe terrestre était pour moi, l'un des buts accessoires de ce voyage. Très rares sont les bateaux qui se sont aventurés aussi bas en latitude dans la région.

 

 

Le Cercle Polaire à peine dépassé, le Commandant Charcot aborde la banquise. D'abord de faibles dimensions, de petites plaques de glace aplatissent la mer tout en ondulant lentement au gré de la faible houle. Tout est blanc jusqu'à l'horizon. Plus de doutes, nous sommes bien arrivés en Antarctique !

 

L'étrave du Commandant Charcot repousse facilement les premiers blocs de glace qui peu à peu grossissent et s'épaississent. Au bout de quelques mètres parcourus dans la banquise tout devient différent. On ne perçoit plus que le raclement régulier des glaçons contre la coque. Le bateau navigue à vitesse lente dans une autre dimension, dans une mer blanche, immobile, silencieuse, sans horizon.

 

Comité d'accueil pour notre arrivée en Antarctique

 

Le bateau a tracé son chemin sans difficultés dans le pack puis s'est arrêté en limite de la banquise côtière, dans le nord-est de l'île Liard. Depuis les ponts extérieurs, nous sommes seuls, ébahis, confrontés au paysage. Tous les repères habituels disparaissent. La limite de la banquise se confond avec celle d'un ciel laiteux. Vide et grandiose à la fois ! Plus de bornes, plus de limites ; ce que nous voyons est plus vaste que l'infini ! Ce n'est pas la vue du paysage qui nous atteint mais l'impression qu'il laisse ! Déroutant !

 

 

 

 

 

A 16h00, le Capitaine convie tous les passagers à l'avant du pont 6 (le pont d'envol de l'hélicoptère de reconnaissance), pour célébrer comme il se doit le passage du Cercle Polaire autour d'une flûte. Pour lui, le fait d'arriver à plus de 66° Sud est exceptionnel et doit être fêté aussi dignement que si l'on avait passé l’Équateur ! Et nous n'en avons pas fini avec les records. 

 

Les passagers attentifs au discours du Capitaine après le passage du Cercle Polaire

 

L'hélicoptère de reconnaissance à poste sur le pont 6

Après cette cérémonie, l'incursion dans la banquise se termine. Au prix d'une savante manœuvre, le Commandant Charcot fait demi-tour et refait la route inverse. Dans le lointain, le profil de quelques beaux icebergs tabulaires se détachent difficilement d'un voile brumeux uniformément gris. A quelle distance se trouvent-ils ? Tout se confond, même l'auto-focus de l'appareil photo ne s'y retrouve plus, tout est perturbé !

 

En fin de soirée, le Commandant Charcot retrouve l'eau libre et commence à contourner l'île Adélaïde avant de poursuivre sa route vers le sud… et la neige qui menaçait tout l'après-midi commence à tomber en abondance.

 

Fin de soirée en Antarctique. Les dimensions de ces icebergs tabulaires sont toujours impressionnantes