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PASSAGE DE DRAKE, LE RETOUR

Dimanche 26 Décembre 2021 - Nous sommes en navigation depuis hier en début d'après-midi, alors ce matin nous nous réveillons cœur d'un passage de Drake égal à lui-même : vent de nord-nord-ouest 28 à 30 nœuds (52 à 56 km/h) et mer agitée. Malgré que le Commandant Charcot file à 15 nœuds, cela reste confortable dans les cabines. Mais déjà nous savons que le vent va forcir dans le courant de la journée…

10h30, la cheffe d'Expédition évoque au théâtre la personnalité et la carrière de J-B Charcot. On sent une certaine émotion dans ses propos car elle a eu la chance de visiter la maison de Charcot à Neuilly quelques années auparavant et de pouvoir s'immerger quelques moments dans l'intimité du célèbre Commandant. Son propos est étayé par la projection de photos jamais dévoilées auparavant. Captivant !

A la fin de cette conférence, je fais un détour par la passerelle. Le vent est monté d'un cran et la mer a bien blanchi. Il y a maintenant de beaux creux, les vagues explosent souvent contre l'étrave et par sécurité, la coursive extérieure et les balcons des cabines sont fermés. A vrai dire, rien d'inhabituel pour la région.

Effets de vagues dans le Drake

Même si elle ne se sent pas malade, Nelly ne s'est pas levée ce matin et préfère rester alitée pour ne pas voir un éventuel mal de mer la gagner. Sans doute a-t-elle raison ? Le mal de mer n'étant pas une science exacte, il ne sert à rien de forcer les évènements. Quelques autres passagers doivent être dans la même situation car ce midi, le restaurant est moins fréquenté qu'à l'accoutumée. C'est un signe qui ne trompe pas !

Après le déjeuner, le vent monte encore. Bien peu de monde au théâtre pour écouter les naturalistes nous parler de leurs diverses expériences dans les îles australes françaises, les TAAF. Le sujet me rappelle la rotation que j'avais faite à bord du Marion Dufresne en 2017. 


Nouvelle visite en passerelle dès la fin de la conférence. Le vent est passé à l'ouest et souffle à 45 kn en moyenne (85 km/h), la mer blanchit davantage et se creuse en conséquence. De fortes vagues passent au-dessus de l'étrave, s'écrasent sur le pont 6 et se vaporisent en grosses gerbes d'embruns. Le Commandant Charcot franchit tous ces obstacles à 13/14 kn sans problèmes apparents et dans un confort relatif. Un bon bateau !

Un pâle soleil tente quelques percées en fin d'après-midi, le ciel se dégage et la luminosité s'améliore grandement même si les embruns voilent encore l'horizon. Bien que le vent commence à mollir en fin de soirée, la mer reste forte…

C'était ainsi la chronique d'une journée ordinaire dans le passage de Drake !

 


 

Lundi 27 Décembre 2021 - C'est la dernière journée complète passée en mer. Le Commandant Charcot emprunte en début de matinée le détroit de Le Maire entre l'extrémité de la Terre de Feu et l'île des Etats, marquant ainsi la fin du passage de Drake. A l'abri de la côte argentine, la mer se calme même si le vent reste fort. Le voile nuageux se déchire progressivement.  




10h30 au théâtre, le Capitaine et le Chef-Mécanicien nous exposent la genèse de la mise en chantier de ce bateau dont le but était de pouvoir naviguer dans les glaces, puis le déroulement de sa construction et sa mise au point liée à une motorisation innovante pour satisfaire à tous les standards actuels. Très technique mais passionnant.

16h00, tous les passagers subissent un nouveau test antigénique dont le résultat devra être présenté demain aux autorités chiliennes.

Déjà c'est la fin de la croisière. Il faut commencer à préparer les valises et ce n'est pas une mince affaire que de trouver une place pour loger les deux grosses parkas orange qui nous ont été utiles durant nos sorties sur la banquise ou en zodiac. Bien conçues, elles nous ont protégés du froid polaire.

18h45, cocktail de l'Au Revoir au théâtre où les neuf artistes du bord se succèdent en attendant la présentation de tout l'équipage qui n'a pas ménagé sa peine pour la réussite de ce voyage. Puis c'est au tour du Capitaine de faire la rétrospective et le bilan de cette croisière hors norme.

20h00, tous les passagers sont invités au restaurant principal du pont 5 pour le dîner de clôture de la croisière. Le Commandant Charcot entame alors son dernier bord vers Punta Arenas où nous arriverons demain en début de matinée.

 


EN MARGE DU PASSAGE DE DRAKE

METEO DE L'HEMISPHERE SUD : LES CINQUANTIEMES HURLANTS

Situé entre 56° et 64° de latitude sud, le Passage de Drake est au cœur d'une zone météorologique portant le vocable redoutable de "Cinquantièmes hurlants".

Pour faire simple (car c'est bien sûr très compliqué) : Les quarantièmes et cinquantièmes degrés de latitude sud sont la zone où évolue la ligne de friction (le front) entre deux masses d'air qui ne se mélangent pas : au nord l'air tropical surchauffé de la zone équatoriale ; au sud, l'air subpolaire refroidi par la masse considérable du continent Antarctique. Ce front est donc une zone de conflit mouvante qui se déplace en ondulant comme le feraient les boucles d'un voilage de tulle. Instables, ces ondulations vont s'amplifier, s'animer puis se rejoindre et se refermer pour créer des dépressions d'autant plus creuses que l'écart de température entre les masses d'air est important.

En l'absence de terres ou de continents dans l'hémisphère sud, le front polaire est pratiquement ininterrompu (les seuls obstacles de taille sont la Cordillère des Andes au sud du Chili et la Péninsule Antarctique qui se font face). Il en résulte que les perturbations naissent de façon quasi permanente en plusieurs points du front à la fois. Ce ne sont plus des familles de 3 ou 4 dépressions comme en Atlantique, mais une génération continue qui tourne d'ouest en est autour du globe dans une folle sarabande.

De plus, ces vents violents et persistants transmettent une énergie considérable à la surface de la mer et génèrent un puissant courant d'ouest ininterrompu. Ce courant circumpolaire antarctique a un débit de 180 millions de mètres cubes d’eau par seconde, soit 180 fois le débit de tous les fleuves réunis dans le monde. Chaque dépression lève la mer sur la houle résiduelle des dépressions précédentes. La houle est de ce fait toujours plus ample, donc plus durable et donc encore plus forte quand survient la dépression suivante. Le mouvement perpétuel, en quelque sorte !

La dangerosité du Passage de Drake est principalement due à l'accélération des vents dans le rétrécissement formé par les sommets de la Cordillère des Andes et ceux de la Péninsule Antarctique et aussi à la remontée des fonds séparant les océans Pacifique et Atlantique, qui renforce les courants marins en levant une mer dangereuse.

Le Drake est donc l'un des endroits les plus constamment ventés de la planète et les plus difficilement praticables à cause de l'état de la mer. Ce passage obligé, mais redouté, est un endroit pouvant s’avérer violent, avec parfois des tempêtes terribles, illustrant parfaitement la plupart des citations de marins du temps de la marine en bois et du commerce à la voile avant l'ouverture du canal de Panama en 1914. On ne compte plus les naufrages qui s'y sont déroulés avant cette date.

Circulation des vents à la surface du globe - Les flèches bleues représentent les grands vents d'ouest qu'aucune terre ne freine dans l'hémisphère sud
Météo de l'hémisphère sud : anticyclones en rose et train de dépressions en bleu au niveau des Cinquantièmes Hurlants

 

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