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ÎLES GAMBIER, MANGAREVA

Lundi 29 Octobre 2018


Les Gambier, Mangareva, Rikitea ! Autant de noms qui fleurent bon la plaisance hauturière, celles des voileux tourdumondistes qui après les rigueurs d'une traversée du Pacifique depuis Panama entrouvrent la porte du paradis polynésien. Qui n'en a pas rêvé ?
Arrivée pluvieuse aux Gambier
Pour nous qui naviguons dans le sens inverse, le ciel maussade continue de nous accompagner, mettant à mal ce rêve.

05h45, les  Gambier se devinent derrière une brume et un crachin que ne renieraient pas normands et bretons, en ayant la curieuse impression de naviguer bien loin de la Polynésie.


Les îles Gambier émergent au centre d'un vaste atoll encore ouvert dans sa partie sud. Ces îles résultent de l'effondrement partiel du socle d'un immense volcan. A l'échelle du temps géologique, ce processus d'effondrement est toujours en cours et dans quelques millions d'années les îles auront disparu et le récif se refermera en enserrant complètement le lagon.

 
Naviguer aux Gambier demande beaucoup d'attention
En attendant ce jour, la partie sud de l'atoll est toujours ouverte à la pleine mer et c'est justement par là que notre Commandant a décidé d'entrer dans l'archipel. A cause des petits fonds, la navigation est ultra précise en suivant des alignements donnés par des amers remarquables à terre (et aussi en s'aidant des radars et des cartes électroniques). Il faut éviter les blocs de corail au prix de changements rapides de cap et seuls les navires à faible tirant d'eau peuvent naviguer dans ces zones encombrées.

L'exercice est également corsé par la présence aléatoire (y compris dans les chenaux) de centaines d'installations de perliculture, justes matérialisées par de petites bouées. Un véritable slalom avant d'atteindre le mouillage au large de Rikitea, la capitale des Gambier.

Le Boréal est mouillé très au large du village. Nous débarquons en tender et gagnons le quai où nous sommes accueillis par quelques percussionnistes et le traditionnel collier de jolies fleurs. Sous une pluie fine, les passagers se rendent près de la cathédrale où doit se dérouler un spectacle folklorique.

Cette cathédrale est le plus grand édifice religieux de Polynésie (voir encart ci-après). Le chœur et surtout l'autel sont entièrement décorés de motifs réalisés en corail et nacre. Etonnant.
Rikitea - La cathédrale Saint-Michel
Cathédrale Saint-Michel de Rikitea.
Incrustations de corail, de nacres et de perles dans le mobilier religieux
 


Dommage que la partie folklorique de cette escale se soit déroulée sous la pluie. L'évocation d'une danse guerrière semblait bien pacifique…
Folklore mangarévien
Chantons (et dansons) sous la pluie
La balade se poursuit sur les hauteurs du village jusqu'au petit cimetière où est édifié le mausolée du roi Maputeoa, premier mangarévien converti au catholicisme.
Le tombeau et le mausolée du roi Maputeoa dominent le cimetière communal
 

Rikitea doit sans doute révéler d'autres charmes sous le soleil. Ce n'était pas pour nous aujourd'hui.

  
Il est probable que ce soient des navigateurs marquisiens qui aient peuplé les îles Gambier vers le XIIème s. mais il faut attendre 1797 pour qu'un explorateur britannique les aperçoive, et qu'un autre marin anglais, Beechey, y fasse escale en 1826.

A cette époque, les pasteurs anglicans ont déjà pris beaucoup d'avance dans la christianisation de la Polynésie, aussi les missions catholiques tentent-elles de rattraper leur retard en envoyant des religieux français qui s'installent dans l'archipel des Gambier. Ces îles deviennent ainsi le berceau du catholicisme en Polynésie et le point de départ de son expansion dans tout le Pacifique Sud.

Dès 1834, deux membres de la congrégation parisienne de Picpus, les pères Laval et Caret, entreprennent une évangélisation plutôt musclée des Gambier. Ces prêtres font d'abord table rase de toute la culture ancestrale en détruisant temples et idoles, en interdisant les anciennes pratiques coutumières et en imposant un code vestimentaire strict. Avec le renfort d'autres prêtres et les méthodes pour le moins autoritaires du père Laval, les Mangaréviens sont convertis de gré ou de force en moins de deux ans.

Mais à quel prix ? Les missionnaires ont également entrepris d'éradiquer l'indolence tropicale des habitants en leur inculquant les bienfaits du travail forcé. C'est ainsi qu'ont été édifiés une centaine d'ouvrages : des églises, des chapelles, un séminaire, un collège, une tour de guet et même une prison, etc… La population s'épuise à partir de 1841 dans la construction de la cathédrale (démesurée) de Rikitea dont les murs sont constitués de blocs de corail qu'il a fallu extraire et transporter à l'aide de radeaux sur des kilomètres à travers le vaste lagon.  Puis, il a fallu broyer et chauffer le corail afin de le transformer en chaux pour mettre en œuvre mortiers et enduits. Un travail de titans rythmé avec force Pater et Ave… Tout cela "Gratis pro Deo" !

Mais la conversion des âmes ne suffit pas au père Laval. Peu à peu, il régente tout aux Gambier, se comporte en despote spirituel et installe un Etat théocratique quasi dictatorial. Ces dérives inquiètent le Pouvoir en Métropole, et en 1871 le Gouvernement français fait pression sur l'évêque de Tahiti pour que le père Laval soit "exfiltré" au plus vite hors des Gambier.

Le bilan de la mission éducative et civilisatrice des "bons pères" reste à prouver. Tous les repères culturels anciens ont été balayés en quelques mois au grand désespoir de la population qui cherche à fuir coûte que coûte ce paradis que les religieux ont, par des méthodes discutables, transformé en enfer. En moins de cinquante ans, la population des Gambier chute de 2.100 habitants en 1838 à moins de 500 en 1885 !


1 commentaire:

  1. Très intéressant récit sur ka cathédrale, un grand merci pour cette lecture passionnante 😊
    Dommage que vous ayez eu beaucoup de pluie ...

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