Minuit, dernier décalage de la montre du bord. Nous
sommes maintenant à l'heure antillaise, TU-4, cinq heures de différence
avec la métropole.
Réveil dans la grisaille. Des nuages noirs lourds
de menaces s'accumulent au-dessus de l'horizon. Dans la matinée, je me hasarde
à faire ma rando quotidienne autour du navire. Je n'ai pas été bien loin, je
n'ai eu que le temps de trouver refuge au poste de manœuvre, à l'arrière du
bateau, quand un violent grain est tombé brutalement, aplatissant la mer et
ramenant la visibilité à rien. Il en a été ainsi toute la matinée.
La violence du grain aplatit la mer |
Aujourd'hui est le dernier vrai jour de navigation
avant Pointe à Pitre, où nous arriverons demain aux petites heures. Le voyage
n'est pas fini, mais la traversée, elle, se termine ! Et je ne peux pas dire
que cela me mette en joie. Hier, avant-hier, avec le voilier c'était quatre
fois plus de temps, mais la sensation ressentie à la veille de l'arrivée reste
toujours la même : qu'elle soit courte ou longue, la traversée aurait pu durer
plus longtemps.
C'est à chaque fois pareil : est-il nécessaire que
cela s'arrête si vite ? Pourquoi ? Parce que, mentalement, ce voyage s'inscrit
dans la durée, j'ai intégré cette durée et trouvé à bord le rythme me convient
pour y parvenir.
Avec ce cargo, j'ai remis les Antilles à la bonne
place sur la surface du globe, en distance et aussi en temps. Les Antilles ne
se situent pas à l'extrémité de la piste d'Orly, elles sont bien de l'autre côté de
l'océan Atlantique, au bout de 3.430 milles (6.353 km) et quasiment huit
journées complètes de navigation depuis Saint-Nazaire. La traversée, c'est le
voyage lui-même !
Les derniers milles de la traversée |
Et ce qui devait arriver, arrivât ! En début
d'après-midi, le lieutenant de quart a sorti la carte d'atterrissage de la
Guadeloupe et commencé à reporter les points dessus… J'ai bien demandé au
commandant de ralentir, j'ai l'impression de ne pas avoir été entendu.
J'ai terminé la rando entamée ce matin, je suis
resté un long moment assis sur la petite plate-forme qui surplombe l'étrave.
Silence, soleil, pas trop de vent et l'océan immense… Je suis venu me faire la
dernière piqure d'eau de mer avant l'arrivée…
De quart en fin de journée sur la passerelle. Nous
croisons la route d'un vieux gréement, une grande goélette de 33 mètres qui se
rend (au moteur, malheureusement), à Saint-Martin. De la passerelle, elle
parait minuscule. Sa coque et sa mâture se détachent en silhouette dans la
lumière du soleil qui décline trop rapidement. Ce moment-là aussi, aurait pu
durer !
Mon quart à la passerelle. Y a pire ! |
Et le petit shampoing et la douche sous le grain alors, on a oublié?
RépondreSupprimerVio