Lundi 26 Novembre 2012 - 1er
jour de traversée
08 h 00, la manutention a repris de plus belle,
trois portiques s'occupent du Fort Sainte-Marie. Et c'est justement la travée
la plus proche de ma cabine qui est concernée. Depuis Rouen, cette travée est
complètement vide y compris la cale. Toute la matinée, ce ne sont pas moins de
90 conteneurs qui vont être chargés en passant à raser le sabord de ma cabine
(un sabord c'est carré ou rectangulaire, un hublot c'est circulaire),
obscurcissant le ciel à chaque passage. A en donner le tournis.
90 conteneurs défilent devant le sabord de ma cabine. Un conteneur réfrigéré (reefer) chargé dans la cale. |
15 h 20, je suis sur l'aileron de passerelle pour
aider le commandant et le pilote à l'appareillage. Une manœuvre, cette fois-ci,
sans remorqueur, uniquement à l'aide des propulseurs d'étrave et de poupe. Les
amarres sont larguées les unes après les autres, le bateau décolle lentement du
quai et gagne l'axe du chenal en passant sous le pont de Saint-Nazaire. Nous
longeons plusieurs quartiers de la ville, des plages, des petites falaises
brunes avant que le chenal n'oblique vers le Sud. Dernière vision de la terre
avant longtemps.
16 h 35, le pilote débarque à l'extrémité du long
chenal. Le Fort Sainte-Marie est en eau libre, cap à l'ouest. Au large, le vent
n'a pas beaucoup molli. La mer est toujours bien formée, le bateau passe en
force et tape de temps à autre dans les vagues en formant de jolies gerbes
d'embruns.
Pointe à Pitre, la prochaine escale est encore
loin, et à partir de maintenant il faut s'installer dans la durée.
Passé le pont de Saint-Nazaire, cap vers le grand large |
17 h 45, fin de mon quart. La nuit tombe rapidement
et je pars à la chasse aux petits bruits dans la cabine…
18 h 15, ouverture de "La cave", qui est
le magasin hors taxes du bord, géré par le commandant lui-même. Pas beaucoup de
parfums dans cette boutique duty free, mais essentiellement des produits
destinés à améliorer l'ordinaire de l'équipage et des passagers…
La mer est très forte, tout en puissance le bateau
tape dans les vagues. On sent bien le choc et quelques secondes plus tard on
voit une grosse gerbe jaillir de l'étrave jusqu'au-dessus des conteneurs, et
être rabattue sur l'autre bord par la violence du vent. Le Fort Sainte-Marie
tangue et roule, il est difficile de tenir debout. En tout début de voyage, ces
mauvaises conditions de mer cueillent tout le monde à froid, et il faut du
temps pour s'y accoutumer. Lors du dîner, deux passagers font la grimace…
Après le repas, sur la passerelle, j'ai encore bien
discuté avec le lieutenant roumain, intrigué par mon expérience de la voile.
Habitué des gros navires, il n'imagine pas que l'on puisse traverser un océan,
ni parfois subir un tel temps sur un bateau de 11 ou 12 mètres. Il est étonné,
comme moi je le suis dans l'autre sens par le gigantisme, la vitesse, la
puissance du bateau qui se joue des mêmes éléments. Le partage du même milieu
mais deux approches différentes.
A minuit, nous avons quitté le plateau continental
pour naviguer au-dessus des grands fonds de l'Atlantique. Même si les vagues
sont moins escarpées, le vent souffle presque dans l'axe, force 8 à 9. Le
bateau roule et tape toujours. La nuit s'annonce agitée.
Cap vers l'Ouest en début de soirée, vu de bâbord |
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