Le protectorat français devient colonie
en 1880, sous l'appellation vertueuse de "Etablissements Français de
l'Océanie", puis Territoire d'Outre-Mer en 1946, avec le droit de vote
accordé aux Polynésiens. Plus tard, sont créés une Assemblée Territoriale et un
gouvernement local qui obtiennent de plus en plus d'autonomie (non sans
péripéties), sous la Vème République. La Polynésie est maintenant
une Communauté d'Outre-Mer, dont l'appareil législatif est l'Assemblée de la
Polynésie Française, l'exécutif est le Gouvernement de la Polynésie Française,
l'ensemble sous le regard d'un Haut Commissariat de la République.
Jusqu'à la fin des années 1950, Tahiti et
les îles vivent au rythme paisible d'une colonie lointaine que l'on rejoint
après plusieurs semaines de voyage en paquebot.
Cette quiétude va être interrompue à partir
de 1961 par la mise en service de l'aéroport de Faaa qui permet l'atterrissage
des premiers avions de ligne longs courriers, en provenance des U.S.A, d'Australie
ou de Nouvelle-Zélande. Ce bouleversement géographique et économique majeur va
favoriser le développement touristique des îles, bien sûr, mais surtout
propulser les Polynésiens dans un autre siècle… en très peu d'années.
HMS
"Bounty", le retour
Et en 1961, en dehors des touristes, les
premiers à débarquer sont les membres d'une équipe de tournage d'une
superproduction hollywoodienne, "Les Révoltés du Bounty" réalisée en
technicolor et décors naturels, avec Marlon Brando comme acteur principal, rien
moins.
On peut imaginer l'effet qu'à pu produire
une importante équipe de cinéastes américains s'installant à Tahiti dans une
débauche de moyens matériels et de luxe tapageur, inondant les centaines de
figurants locaux de milliers de dollars et de boissons gazeuses…
Le scénario du film, tiré d'un fait réel
ayant eu lieu à Tahiti en 1789, avait déjà de quoi séduire. Les mers du Sud et
la beauté des paysages ont contribué au succès de ce film largement distribué.
La réputation du mythe paradisiaque polynésien s'est amplifiée aux yeux du
monde entier. Et le flot touristique n'a fait que croître…
La
bombe
Le développement de Tahiti s'est encore accéléré
à partir de 1964 avec l'arrivée à Papeete et aux Tuamotu du Centre
d'Expérimentation du Pacifique ; encore une appellation pudique, cette fois-ci
liée aux essais nucléaires que la France projette de réaliser dans la zone.
Avec l'installation du C.E.P., l'argent
(la “manne” du nucléaire) afflue sur le territoire et permet de développer rapidement
les infrastructures et les communications, la promotion du tourisme, l'amélioration
des conditions de vie quotidienne, grâce à de gros programmes de génie-civil
et d'aides diverses. L'arrivée des familles de militaires et d'employés
d'entreprises extérieures aux îles et travaillant sur les sites provoque
également un effet de spirale.
Le C.E.P. apporte donc beaucoup
d'activité et beaucoup d'argent facile, déstabilisant les structures
socio-économiques d'une communauté qui s’est retrouvée projetée trop vite et
sans préparation dans la société de consommation occidentale : abandon des
activités traditionnelles (pêche, agriculture…), repli vers le tertiaire
non directement productif mais plus rémunérateur, afflux vers
l'agglomération de Papeete des populations des autres îles.
La contrepartie est de taille pour les Polynésiens,
pour qui le progrès est chèrement payé, surtout ceux des atolls des Tuamotu et
des Gambier, directement concernés par les essais (46 aériens et 147 souterrains).
Il se dit que… Quelques uns des premiers essais aériens ne se seraient pas
forcément déroulés comme prévu et quelques nuages n'auraient pas suivi la
trajectoire projetée… Même aujourd'hui, le sujet reste opaque et il est encore
bien difficile de connaître, à moyen et long terme, les retombées sanitaires exactes
de ces essais sur les populations et leur environnement.
La fin des essais en janvier 1996 est
compensée pendant dix ans par la France, sous forme d'un "contrat de
développement" qu'on a appelé malicieusement la "rente Chirac".
Cette économie de subvention et de clientélisme a permis à la Polynésie de
continuer à se développer jusqu'en 2005, surtout grâce à la culture perlière et
au tourisme haut de gamme.
Maintenant
Mais comme partout, les temps ont changé
! Devenue plus vulnérable depuis la fin de la "rente" et confrontée
aux bienfaits de la mondialisation, la Polynésie doit aujourd'hui affronter de
plein fouet : reflux du tourisme, "affaires" politiques, problèmes
d'environnement, chômage, défis économiques et modèle de société…
La vie courante, quoi ! Comme partout !
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