05h00,
debout pour admirer le lever du jour. Et là, pas de déception ! Vers l'est, au-dessus de la côte, le ciel clair est un subtil dégradé de couleurs, de l'orangé
en allant vers le rose. La mer est très calme, jusqu'à parfois être lisse comme
un miroir dans lequel se reflète le ciel. La mer est rose ! Il faut le voir
pour le croire. Le jour se lève lentement, prend son temps pour éclairer la
baie de Disko.
Aux petites heures dans la baie de Disko |
Ce
matin, nous sommes au sud d'Ilulissat au large d'un fjord long de 50 km qui est
le débouché sur la mer d'un important glacier issu de la calotte polaire. Le
Sermeq Kujalleq, cet énorme glacier de 4.000 km² est la plus grosse fabrique
d'icebergs de l'hémisphère nord. Il produit des icebergs si volumineux que
ceux-ci peuvent rester bloqués plusieurs années dans le fjord. Comme le glacier
avance d'environ 20 m par jour, la pression augmente régulièrement jusqu'à la
rupture brutale du verrou que forment les plus gros icebergs échoués sur un
seuil sous-marin.
Baie de Disko |
S'en
suit alors une réaction en chaîne où tout se brise dans un énorme fracas et se
disperse en mer en blocs plus ou moins volumineux qui se baladent ensuite au
gré des vents et des courants.
Le
bateau navigue prudemment dans le champ de glace qui se densifie
progressivement. La mer est chargée de milliers de petits ou gros blocs qui dérivent.
Le paysage parait figé, mais en réalité c'est en perpétuel mouvement. Avec le
soleil qui arrive, c'est une explosion de lumière sur les faces irrégulières
des icebergs, du blanc éclatant au gris clair en passant par le rose. Cela
évolue lentement à mesure que le bateau progresse. Un feu d'artifice matinal au
ras de l'eau. Je savoure ce petit matin qui à lui tout seul vaut le voyage !
Quelle chance !
En
quelques minutes, la revanche est prise sur l'Antarctique qui, en 2011, ne nous
avait pas gâtés par sa luminosité.
Baie de Disko |
06h30,
le Soléal est au mouillage devant le village d'Ilulissat. C'est calme, la mer
est lisse, pas une ride, pas une ondulation, pas un bruit si ce n'est de temps
en temps dans le lointain, le craquement sourd d'un iceberg qui se brise et se
renverse.
Le Soléal, mouillé devant Ilulissat |
Aujourd'hui,
nous participons à deux excursions qui vont nous rapprocher du monde de la glace.
Ce
matin, un bateau de pêche local vient nous chercher à la "marina", la
plate-forme de débarquement située à l'arrière du Soléal, pour effectuer un
circuit au plus près des icebergs échoués devant le fjord. Spectaculaire ! Des
monstres, des géants de glace nous dominent, nous écrasent de toute leur masse.
Le petit bateau serpente, louvoie au plus près de ces colosses disproportionnés.
Impressionnant.
Le
soleil n'est pas bien haut, et nous passons de l'ombre à la lumière, du
brillant au sombre, de la glace éclatante à celle noircie par les moraines, de
la glace lisse à celle rayée de profondes stries, de l'iceberg tabulaire à celui
rongé par la mer avec des grottes ou des pointes.
Violent contre-jour |
Notre
patron pêcheur nous explique que le sondeur de son bateau indique 266 m de fond
et que les icebergs que nous longeons sont échoués… 266 m de glace sous l'eau !
La hauteur hors de l'eau de ces mastodontes doit avoisiner une quarantaine de
mètres. A naviguer près d'eux au ras de l'eau, on se sent bien petits et bien
fragiles !
Ilulissat - Le chalutier donne l'échelle de l'image |
Sur
le pont du petit chalutier, la température est à la mesure du paysage : glaciale.
Nous n'avons pas regretté notre habillement polaire de circonstance et nous
avons bien apprécié le café chaud à notre retour à bord du Soléal.
L'après-midi,
nous avons choisi de faire une petite rando vers la rive nord du fjord de glace.
Nous empruntons un bus très rustique qui nous fait traverser rapidement le
village d'Ilulissat. L'urbanisme n'y est pas plus organisé qu'à Sisimiut, mais
le village parait plus animé, plus actif.
Le
bus nous dépose à l'extérieur de l'agglomération, près d'un vaste chenil à ciel
ouvert. Tous les chiens de traineaux du village sont parqués là durant l'été,
enchaînés auprès de leur niche sommaire, accablés et faméliques, attendant avec
résignation que leur maître daigne leur apporter un quelconque morceau de
viande. On est loin du concours de beauté canine, huskies, samoyèdes et autres malamutes
ont l'œil triste et le poil bien terne. C'est le lot de tous les chiens en
Arctique. Pas réjouissant ! Les Inuits n'éprouvent guère de sentiments pour
leurs chiens qui ne sont juste que des chiens de travail durant l'hiver et
celui qui n'est pas dans le droit fil de la meute ne vit pas bien vieux. C'est
comme cela depuis toujours, mais les Inuits savent bien que le sujet est
sensible.
Nous
cheminons sur un platelage surplombant des zones de tourbe, de mousse vert
clair, de linaigrettes. La moindre plante s'accroche à son bout d'humus et ne
dépasse pas quelques centimètres de hauteur. Les arbres de la région, les
saules arctiques qui s'étalent au ras du sol ne sont guère plus hauts.
Ciel
bleu, grand soleil, la température est presque agréable. D'un promontoire, nous
dominons le fjord d'Ilulissat par lequel tentent de s'échapper les icebergs issus
du glacier Sermer Kujalleq. C'est un chaos indescriptible à perte de vue de
blocs qui se chevauchent et s'entrechoquent. De très gros icebergs sont bloqués
là pour des années avant qu'ils n'aient suffisamment fondu pour continuer leur
route vers la mer. Fascinant.
Le fjord d'Ilulissat, exutoire du glacier Sermeq Kujalleq |
Nous
rejoignons le Soléal en fin d'après-midi à bord d'un des Zodiac™ en louvoyant à
travers les glaçons qui encombrent la baie.
18h00,
appareillage. Avec Nelly, nous restons sur les ponts extérieurs à profiter des
rayons du soleil qui n'a pas l'air décidé à se coucher. Pour ne pas troubler la
quiétude du moment, le Soléal glisse lentement sur la mer toute lisse en
évitant quelques belles pièces de glace. Très loin, trop loin, un souffle de
baleine, puis une grande nageoire caudale qui sort de l'eau et disparait aussitôt.
Le ciel s'enflamme doucement. La nature est belle…
21h00,
le Soléal contourne l'île Disko par l'est en se frayant un chemin à travers
des icebergs de plus en plus nombreux et de plus en plus gros. Le ciel vire au
rouge orangé, la mer et les icebergs sont roses. Vu de l'arrière du pont 6, le
Soléal trace sa route sur une mer quasiment plate et dans le sillage, la pleine
lune se lève…
21h30, réunion au théâtre. Le Commandant nous expose
avec beaucoup d'humour le déroulement de la croisière du point de vue nautique.
Raphaël, le Chef d'Expédition, nous présente les sites naturels qu'il compte nous
faire découvrir, avant que chaque membre de son équipe ne se présente lui-même.
Aparté
:
Une fois qu'ils peuvent
flotter et qu'ils ont retrouvé leur liberté, les icebergs de la baie de Disko
sont entrainés par une branche du Gulf Stream le long de la côte occidentale
du Groenland jusqu'au nord de la mer de Baffin où ils font demi-tour. Ils
sont ensuite emportés vers le sud par des courants froids le long de la côte
orientale de l'île Baffin, descendent au large du Labrador et de Terre Neuve
et errent dans l'Atlantique Nord jusqu'à de basses latitudes avant de se
diluer dans l'océan.
Le
Titanic a coulé par 41°46' Nord et des icebergs particulièrement résistants
ont déjà été repérés jusqu'à la latitude des Bermudes (32°N).
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Je me revois sur le pont, tôt le matin, sous cette magnifique lumière orange/rose ;) j'appréciais aussi beaucoup ces instants ! Encore merci de les partager avec nous.
RépondreSupprimerSuperbes photos de lever de soleil!
RépondreSupprimerNous avions aussi fait l'excursion avec les petits bateaux de pêche, nous étions sur le Else, Michel avait été invité par le patron à monter à la passerelle, super souvenir. Il faisait froid et gris mais les couleurs sur les icebergs étaient malgré tout magnifiques, on avait adoré. Le matin nous avions fait la petite randonnée Sermermuit trail, temps maussade aussi, mais nous l'avions bien aimée.