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ISAFJORDUR

Mercredi 28 Mai 2014
Journée complète de relâche à Isafjordur. Les prémices d'amélioration météorologique entrevues hier soir se précisent. L'atmosphère est limpide, les sommets des montagnes environnantes sont nets, et surtout dégagés de leur couche nuageuse qui a pris de la hauteur. Pas encore de soleil, mais nous ne désespérons pas.


Temps clair à Isafjordur - On n'y croyait plus !


L'Internet dans le petit bureau d'accueil sur le port ne fonctionne pas, pas plus que sur le FRAM. La mise en ligne de ce récit est vraiment problématique…
Isafjordur est la ville la plus importante des Fjords du Nord-Ouest. 2.600 habitants ! Comme à Flateyri, la ville est construite sur une longue péninsule qui barre le fond du fjord. C'est un important port de pêche, quelques gros chalutiers sont amarrés à quai mais comme partout, la pêche artisanale semble en voie de disparition.
 
Symétrie à Isafjordur
La ville est vite parcourue. Quelques rares commerces traditionnels, un supermarché et deux fast-food sont les seuls points d'attraction. Il subsiste un nombre important de maisons anciennes bien préservées, aux toits et façades en tôle ondulée. Le charme vient des différentes couleurs de ces maisons. Et les décors ou expositions d'objets derrière les fenêtres doivent témoigner de la personnalité des occupants. Ce détail est une constante des pays nordiques, bien que cela semble ici moins léché qu'en Norvège.


Résider ou vivre dans cette région ne doit pas être qu'une partie de plaisir. C'est loin de tout à cause des kilomètres à parcourir pour contourner l'un après l'autre chacun des nombreux fjords ou franchir des montagnes escarpées qui sont autant d'obstacles à un déplacement aisé. Sans parler de l'obscurité, de la neige et du froid qui y règnent durant le long hiver. Ici, c'est pire que le bout du monde ! Et tout au nord de cette zone de fjords, il n'y a que les oiseaux qui peuvent s'y plaire, il n'y a jamais eu de routes pour s'y rendre.
L'après-midi, nous avons du temps devant nous et nous nous connectons à la civilisation au bar d'un petit hôtel, ce qui nous permet d'envoyer rapidement deux pages de ce blog. Nous recevons aussi quelques mails, mais il est impossible d'en envoyer. Les voies de l'informatique sont décidément impénétrables !
 
Le terminal croisière d'Isafjordur
21h30, tout le monde sur le pont pour l'appareillage d'Isafjordur ! Temps clair, belle visibilité, l'immense chape de nuages est en altitude. Cela change des jours précédents et c'est tant mieux. Le FRAM quitte un fjord pour faire un détour vers un autre, le commandant veut nous faire admirer une ancienne station baleinière norvégienne en activité jusqu'en 1930. Sur un replat de la côte, subsistent quelques bâtiments, une vieille cheminée… Le fond du fjord est complètement enneigé.
 
Le MS FRAM donne l'échelle de la hauteur de la vallée glaciaire

Le FRAM fait lentement demi-tour. Impossible de trouver la sortie ! L'horizon est complètement barré par des montagnes tabulaires noires rayées de longues strates horizontales. Et toujours beaucoup de neige. En avant lente, le FRAM rase les berges du fjord.

Une belle visibilité et peu de vent ressenti, il est agréable de prendre le quart sur la plateforme du pont 5 où je suis seul. Le bateau ayant enfin trouvé la sortie du vaste réseau de fjords, le vent se lève et la température fraîchit. Il est près de minuit, il fait grand jour, et si ce n'était le poids des paupières, je serais encore bien resté à contempler ces paysages grandioses.

Le quart d'heure culturel
L'Islande, comment ça marche ?
Avoir le plus haut niveau de vie du monde, c'est bien ! Mais cela demande beaucoup de sous !
Et pour y parvenir les Islandais étaient devenus depuis plusieurs décennies des magiciens de la planche à billets. Jusqu'à une date récente, le pays et sa population vivaient largement le jour avec des crédits remboursés par l'inflation du lendemain et tout allait bien.
Mais, tout de même, comment ne pas se poser quelques questions sur ce qu'était ce fameux miracle islandais ?
Pour fixer les idées, l'Islande, c'est 100.000 km² et 300.000 habitants (dont 200.000 à Reykjavik). Désertique à 90%, c'est donc un pays 5 fois plus petit que la France pour une population 20 fois moindre.
Ainsi, en nombre d'habitants, le pays a la taille d'une agglomération française moyenne, mais vit au rythme d'un grand Etat avec gouvernement, représentations à l'étranger, banque centrale, et tout, et tout…
Hormis d'abondantes ressources hydroélectriques et géothermiques inexportables, l'économie repose sur la production et l'exportation d'aluminium, mais surtout sur la pêche que l'Islande défend bec et ongles. Des conditions climatiques et géologiques défavorables font que l'agriculture de subsistance reste confidentielle ; cette agriculture est principalement consacrée au fourrage destiné à l'alimentation hivernale des moutons et des bovins. L'essentiel de l'activité islandaise s'oriente maintenant vers les services.
Tout le reste est importé et l'un ne compense pas l'autre. Jusqu'au début du XXIème siècle, l'inflation monétaire (toujours très supérieure à la moyenne générale), compensait tant bien que mal, ce déséquilibre…
Jusqu'en 2008 !
En 10 ans, l'Islande est ainsi passée d'une économie traditionnellement stable basée sur la prospérité de la pêche à une économie hasardeuse fondée sur la finance à risque, ce qui a rendu le pays particulièrement vulnérable.
Le problème est venu de la croissance débridée des banques islandaises et de leur taille démesurée par rapport à celle du pays, et aussi de l'imprévoyance et des erreurs de la banque centrale du pays et des politiques.
Les banques locales s'étaient lancées dans une politique d'endettement effrénée et de gonflement des bilans en spéculant sur des actifs étrangers de plus en plus risqués. Les taux d'intérêt qu'elles proposaient aux épargnants locaux, britanniques ou bataves étaient plus qu'attrayants et ce fut le début d'une accélération vertigineuse… vers l'endettement colossal de ces organismes bancaires. En 2008, les dettes des banques représentaient douze fois le PNB de l'Islande, largement supérieur à ce que l'Etat islandais pouvait garantir.
La méfiance interbancaire générée par la crise des subprimes U.S. a d'abord fait chuter la 3ème banque islandaise qui ne pouvait plus se refinancer. Sa nationalisation précipitée a ébranlé tout le système et mis les autres banques à genoux, puis l'Etat.
Ce boom bancaire a soutenu la croissance durant une dizaine d'années et les Islandais qui en ont bien profité se sont laissé hypnotiser par des responsables à l'égo hypertrophié, qui confondaient banque et casino... Dans cette petite île pourtant habituée aux soubresauts et aux déchaînements des éléments naturels, la tempête financière a tout balayé sur son passage : les banques, la monnaie, l'immobilier, l'activité économique… et les bas de laine de plusieurs dizaines de milliers de petits épargnants ! Sans parler de l'augmentation durable de leurs impôts.
Classée début 2008 en tête des "pays où l'on vit le mieux", l'Islande et ses 300.000 habitants sont passés brutalement sous perfusion. Sans doute, les Islandais s'en relèveront-ils ! Les cycles de récession et d'expansion se remettent rapidement en marche dans une société aussi réduite mais très réactive, et historiquement aguerrie par les rudesses et aléas climatiques et géologiques.
Pour preuve :
Dans leurs fantasmes mégalomaniaques, banquiers et politiques avaient imaginé de doter Reykjavik (200.000 habitants !), d'un complexe pharaonique comprenant salles de concert, centre culturel, centre d'affaires international, grand hôtel de luxe et nouveau siège de la première banque du pays. Un architecte danois a été associé au délire et ne s'est pas privé. La folie des grandeurs !
2008 a stoppé net la poursuite de la belle construction, déjà bien avancée. Seule, Harpa, la nouvelle salle de concert était sortie de terre, mais ce chantier abandonné devenait aux yeux de la population le symbole trop évident de ce qui avait mené le pays à sa perte. Insupportable !
Malgré les problèmes financiers, le gouvernement a continué dans la douleur la construction de Harpa. Les salles de concert ont été inaugurées en 2011. L'achèvement de Harpa est alors devenu le symbole de la capacité des Islandais à avoir su dépasser cette crise.
On veut y croire !

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