Ce matin escale à Akureyri,
seconde ville d'Islande (17.000 habitants), située au fond d'un fjord de 55 km
de longueur.
La matinée aurait pu démarrer
moyennement mais la météo islandaise qui n'est pas à une contradiction près va
en décider tout autrement. Vers 09h00, alors que nous commençons notre visite
de la ville, les nuages disparaissent rapidement pour laisser la place à un
soleil généreux. Dans la matinée, il fait si chaud que nous devons ôter anorak
et pull.
Nous parcourons une petite ville
bien proprette, aérée et relativement animée qui s'étage en pente douce le long
du fjord. Du haut des escaliers qui mènent à la grande église contemporaine,
nous avons une jolie vue sur l'agglomération, les eaux du fjord et la rive
opposée. Sous le soleil, la neige abondante qui recouvre encore les sommets,
étincelle.
Nous poursuivons notre balade en
traversant un quartier composé de maisons cossues entourées de jardins où
poussent tulipes et jonquilles, et chose plus rare en Islande, des arbres !
Nous sommes à proximité du jardin botanique de la ville qui rassemble une
collection de plantes islandaises et arctiques. La moindre plante est
étiquetée, c'est hyper soigné et entretenu par de très jeunes gens. Les enfants
viennent s'y distraire. C'est un endroit bucolique au cœur de la
rude Islande…
Par les rue d'Akureyri |
Appareillage en début
d'après-midi pour une sortie somptueuse du fjord qui va durer un peu plus de
deux heures. Grand soleil, ciel bleu. Sur la faible pente des rives, alternent
fermes, champs de fourrage, petits hameaux. C'est très verdoyant. En arrière
plan, les montagnes sont couvertes de neige. Sous le soleil, le paysage est
éblouissant (dans tous les sens du terme).
Vent de l'arrière, l'atmosphère est très agréable. Les chaises transat et les fauteuils ont été judicieusement disposés sur les ponts extérieurs, et de nombreux passagers en profitent nonchalamment pour… bronzer ! Je passe ainsi mon quart, à en prendre plein les yeux en observant les eaux calmes du fjord ou les cimes environnantes… Une réelle impression de naviguer sur un lac de haute montagne tant l'air est limpide.
Vue depuis le salon d'observation |
Dès la sortie du fjord, le FRAM
met le cap sur l'île de Grimsey à 45 kilomètres au large. Grimsey serait restée
dans l'anonymat, si elle n'était le seul point d'Islande traversé par le Cercle
Polaire Arctique, qui lui a fait sa réputation. Elle reste une île très peu
visitée à cause des liaisons maritimes ou aériennes aléatoires dues à une
météo imprévisible, même l'été. La taille du FRAM permet de s'affranchir de ces
considérations, d'autant qu'aujourd'hui, c'est calme plat.
Aussitôt en mer, le vent se
renforce quelque peu et la température diminue en conséquence, mais avec le
soleil cela reste très supportable. Sur l'arrière, la côte se profile nettement
en un alignement de cimes copieusement enneigées qui irradient dans le demi-contre-jour.
C'est plus que splendide,
l'Islande nous fait son spectacle. J'attendais beaucoup de ce voyage, et
aujourd'hui j'en ai plus que je n'osais espérer. Les mots manquent. C'est beau,
tout simplement beau. Beau à s'en faire mal aux yeux, beau à pleurer. Tout l'après-midi,
je reste de quart sur le pont dans la contemplation des paysages.
En toute fin d'après-midi, nous
débarquons en PCB dans le petit port de Grimsey. L'attraction principale, c'est
que cette ile est traversée par le Cercle Polaire par 66° 33' Nord. C'est le
seul endroit d'Islande où en théorie, le soleil tangente l'horizon au solstice
d'été le 21 juin, et où il n'apparaît plus le jour du solstice d'hiver le 21
décembre. En théorie ! En réalité, c'est un peu plus compliqué que cela… Lignes
imaginaires, les cercles polaires, comme les tropiques, l'Equateur ou le
méridien de Greenwich, sont des repères fictifs sur la surface du globe. On ne
les voit pas, mais c'est quand même bien utile pour connaître l'heure, les
saisons ou sa position.
A Grimsey, le lieu est matérialisé dans la partie nord, derrière le petit aérodrome, par un tube en acier inox de trois mètres de long, que l'on enjambe grâce à quelques marches en bois. Tout le monde vient s'y faire photographier. Cela reste très symbolique. N'empêche que c'est la quatrième fois que l'on passe ligne et... que l'on s'y fait photographier aussi !
Grimsey est également connue
comme repaire d'oiseaux marins. Les sternes occupent une grande partie de
l'ile, elles peuvent être très menaçantes si l'on s'approche trop de leur
territoire et le font bruyamment savoir aux intrus que nous sommes ; ça piaille
à tout va au-dessus de nos têtes et Nelly n'est pas vraiment rassurée…
Nous déambulons au bord des falaises en contemplant à bonne distance les nids de fulmars ou de mouettes. Les macareux font leurs nids en creusant des terriers tout au sommet de ces falaises. Mais la plupart sont en pêche au large, pourtant nous en voyons deux s'envoler entre nos jambes, alors que nous étions confortablement assis dans la mousse au-dessus de ces terriers sans le savoir…
C'est le début de soirée, il fait
grand jour. De l'île, on voit le FRAM en premier plan et à 45 km au-delà vers le Sud, on distingue
clairement la succession des cimes couvertes de neige que le soleil éclaire
encore largement.
Quelle journée ! Et ce n'est pas
fini !
21h30, appareillage. Le FRAM
contourne Grimsey par le Nord pour pouvoir franchir le Cercle Polaire. Pour nous,
c'est donc la cinquième fois ! Cette longue expérience nous autorise à nous
dispenser de la petite cérémonie du baptême de la ligne qui a lieu à
l'avant du pont 5… Il y a quelques novices à bord qui se font introniser par un
dieu Neptune plus vrai que nature et qui ne fait pas semblant en leur déversant
une copieuse louche de glaçons dans le cou et le dos. Hurlements et
rires ! Et chacun des courageux se voit offrir un petit verre d'aquavit
pour dissiper les frissons…
On aurait pu croire la soirée
terminée. En ralliant l'escale suivante, nous croisons la route d'un groupe de baleines qui fait son show…
Toujours un peu trop loin et jamais assez longtemps. Mais le capitaine a arrêté
son bateau presque une heure pour que les passagers puissent les admirer.
J'ai rarement quitté mon quart
depuis le début de l'après-midi. J'en profite au maximum, il y a tant à voir !
Peu à peu les coursives se vident. 23h30, le soleil presqu'au Nord, ne descend
plus vraiment et ses derniers rayons éclairent la côte. Au loin, les montagnes
se teintent de rose… Magie du lieu, magie de l'instant. Il n'y avait pas grand
monde à bord pour admirer cela !
Oui vraiment, une journée
exceptionnelle en Islande !
Le
quart d'heure culturel
L'islandais,
comment ça se parle ?
Lire l'islandais est une chose, le
parler en est une autre !
Cette langue est issue du norvégien
ancien, le norrois, qui du fait de l'insularité n'a pratiquement pas évolué
depuis l'époque des invasions viking au IXème siècle. Cela fait
que les Islandais peuvent encore de nos jours lire leur littérature ancienne,
entre autres les Sagas, dans le texte original !
Tout serait simple pour nous s'il n'y
avait qu'une seule façon de prononcer chacune des 32 lettres de l'alphabet.
Mais les Islandais ont pris plaisir à compliquer les choses… La prononciation
de chaque consonne est différente selon qu'elle se trouve au début, au milieu
ou à la fin d'un mot ; et encore différente selon l'association de ces
consonnes entre elles ou si ces mêmes consonnes sont doublées, etc, etc…
Tous ces caractères ou syllabes ont des
prononciations particulièrement déroutantes pour nous, selon la position de
langue dans le palais, la façon de faire passer l'air à travers le pharynx ou
le nez. Ceci fait que certains mots nous sont impossibles à prononcer
correctement : lettre aspirée, son guttural, roulement du r, etc…
La logique de la prononciation
islandaise n'est pas la nôtre.
Un seul exemple qui à donné des sueurs
froides à tous les présentateurs T.V. et journalistes du monde entier,
commentant en direct en mars 2010 l'éruption du fameux volcan qui a perturbé
le trafic aérien dans l'hémisphère nord, à savoir :
l'Eyjafjallajökull Ey ja
fjal la jö
kull,
qui pourrait à peu près se prononcer : É
YA FIAT LA
YEU KEUTL,
à
peu près,
car bien sûr dans la réalité c'est encore bien plus subtil.
Mais heureusement il y une justice et
la réciproque est vraie. Les Islandais sont morphologiquement incapables de
prononcer certains sons auxquels nous sommes habitués, notamment les sons
che, gle, je. Le simple énoncé de mon prénom est pour eux un véritable
supplice !
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Je lis en retard tes messages pour cause d'interruption d'internet pendant quelques temps. Les larmes aux yeux me viennent aussi en lisant tes mots, je connais ce sentiment de plénitude devant un paysage grandiose et des lumières d'un autre monde et tu le décris très bien. Je suis plus que ravie pour toi que ce voyage t'apporte tant et plus! Merci pour tes récits et photos.
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