VOYAGES, VOYAGES...

PATAGONIE & ANTARCTIQUE - TANSAT FRANCE-ANTILLES - ISLANDE - ILES MARQUISES - PASSAGE DU NORD-OUEST - NORVEGE - TERRES AUSTRALES - POLYNESIE & ILE DE PAQUES - SAINT-MALO-NICE - TOUR DE CORSE - ANTARCTIQUE

L'HOMME QU'A VU (et revu) L'OURS

LUNDI 31 AOÛT 2015 - Jour 8 - PHILPOTS - CROCKER BAY
(Île Devon -Nunavut)


Nouveau recul de la montre d'une heure cette nuit (UTC-5), le réveil matinal n'en est que moins dur.
 
C'est routinier, mais le beau temps nous poursuit dès l'aube. Qui s'en plaindrait ? Grand ciel clair et excellente visibilité. Les sommets enneigés ou englacés de l'île Devon se teintent de rose alors que le soleil se lève. A part les hommes de quart à la passerelle, il y a bien peu de monde pour contempler ces petits matins lumineux. Difficile de se passer de ce plaisir un peu égoïste !
 
L'ile Devon aux aurores
05h30, le Soléal longe la côte sud-est de la grande île Devon entièrement recouverte par une calotte polaire. Vu du large, c'est une immense surface en pente douce qui par son propre poids s'écoule d'elle-même très lentement vers la mer. C'est blanc partout, le front glaciaire est une immense falaise blanche sur plusieurs kilomètres de longueur, éclatante sous le soleil.
 
La calotte polaire sur l'île Devon
 
En début de matinée, le Soléal jette l'ancre dans Bethune Inlet, un étroit bras de mer entre l'île Devon et la presqu'île de Philpots. Même ici, le site fait rêver : la calotte glaciaire à gauche et la côte bosselée de Philpots à droite. Immense !
 
08h30, nous sommes le premier groupe à débarquer ce matin. Initialement, ce devait être pour une petite navigation à proximité du front glaciaire mais les plans sont révisés au dernier moment car un ours polaire a été repéré à nager vers le fond de la baie.
 
Le premier ours polaire
L'occasion est trop belle. Effectivement, au bout de quelques minutes de navigation à bord du Zodiac™, on remarque bien un point blanc à la surface de l'eau. Et un point, c'est pas gros ! Néanmoins, en s'approchant prudemment on distingue une tête et un dos qui émergent : c'est l'ours ! Il y a plusieurs Zodiac™ remplis de photographes armés jusqu'aux dents qui cernent la bête. Se sentant vulnérable, l'ours pas rassuré, préfère s'éloigner en se retournant fréquemment vers nous.
 
L'ours fuit la meute de photographes
Nous le suivions à une quarantaine de mètres de distance pour tenter de saisir son meilleur profil (par ailleurs difficile à photographier sur une frêle embarcation), lorsque simultanément toutes les radios VHF crépitent en même temps :
"Canot n°3 - Moteur en panne !"
"Moi aussi !"
"Moi aussi !"
 
Ce n'était pas le cas de notre Zodiac™, mais il y a eu un silence dans les conversations…
 
Et l'ours a profité de l'incident pour s'éclipser subrepticement…
 
Trois moteurs en panne en même temps ! Le carburant acheté hier à nos amis Inuits de Pond Inlet n'était sans doute pas de la meilleure qualité ou ne convenait pas à ces moteurs-là !
 
L'observation animalière a donc tourné court et les canots ont rejoint le Soléal les uns en remorque des autres, au grand dam des passagers des autres groupes qui n'ont pas pu bénéficier de la balade. Sur ce coup-là, nous avons été les meilleurs !
  
 
Devant cette situation imprévue bloquant les débarquements pour le reste de la journée, le staff a proposé une navigation rapprochée des côtes de l'île Devon. A petite vitesse, le Soléal a donc longé la calotte polaire et navigué à peu de distance des hautes falaises de glace largement éclairées par un franc soleil.
 
L'atmosphère est si limpide que l'on aperçoit sur bâbord les sommets enneigés de l'île Bylot à 70 milles (130 km).
 
Icebergs et front glaciaire
 
 
13h30, le Soléal vire le cap Sherard au sud-est de l'île Devon et fait route vers l'ouest en empruntant le détroit de Lancaster qui marque le début du Passage du Nord-Ouest.
 
Nous y sommes ! A partir de maintenant, nous ne naviguons plus seulement dans l'océan Arctique, nous naviguons aussi dans l'Histoire. A bord du Soléal, nous allons suivre le sillage de tous ceux qui ont cherché ce passage, nous immerger dans le sillage de tous ceux qui y ont douté, souffert et disparu. Au fur et à mesure, les prochaines journées seront marquées par l'histoire du Passage. (Révision du cours d'Histoire : relire la 2ème page de ce récit).
 
 
A la recherche d'animaux à observer, le Soléal pénètre en milieu d'après-midi dans le fjord de Dundas Harbour. Le butin est maigre, un bœuf musqué très lointain à mi-pente… Demi-tour pour explorer Crocker Bay, un fjord qui se subdivise en deux branches dans lesquelles s'écoule un glacier.
 
Peu de temps après y être entrés, les naturalistes repèrent sur l'une des parois du fjord une famille de bœufs musqués avec quatre jeunes en train de brouter la toundra, mais bien loin pour être correctement observables. Contrairement à leur dénomination et leur apparence, ces animaux sont des cousins lointains des chèvres. Adaptés au froid, ils sont recouverts d'une épaisse et longue toison qui les isolent et sont capables de trouver leur nourriture sous la neige.
 
Le Soléal patiente longuement dans l'espoir qu'ils se rapprochent du rivage mais au final, c'est l'inverse qui se produit. Alors à défaut d'animaux, nous pourrons contempler un nouveau glacier qui vêle dans le fond du fjord.
 
Crocker Bay
 
Alors que le bateau navigue prudemment, les naturalistes aperçoivent un nouvel ours polaire sur la berge à la lisière du glacier. Nouvel arrêt pour observer l'ours, difficile à trouver parmi les grosses pierres claires qui parsèment la berge. En fait, il faut que la pierre bouge pour comprendre que c'est un ours…
 
Tous les passagers sont sur les ponts pour trouver l'ours, qui finalement se déplace lentement vers le bas du glacier, puis commence à gravir la pente avant de s'installer tranquillement sur un replat de la glace.
 
Le bateau glisse sans un bruit sur l'eau plate. Pas un murmure, tout le monde est à l'affût et retient son souffle en guettant l'ours que l'on voit de mieux en mieux.
 
Chasseurs d'ours à l'affût
Le Soléal s'approche encore du glacier sur la pointe des hélices pour ne pas effrayer l'animal. Celui-ci, très coopératif, se roule, s'étire sur la glace, se redresse, se recouche, prend son temps, ce qui arrange bien tous les photographes qui mitraillent à tout-va.
 
Pour que nous puissions encore mieux observer, le Soléal se rapproche encore davantage. 50m, 70 m peut-être ? C'est bluffant de se trouver aussi près du front du glacier.  
 
A toucher le glacier. Osé !
L'ours finit par se mettre debout, puis reste longuement immobile, sans doute étonné de voir autant d'étrangers au cœur de son décor habituel… Nouvelle salve de photos !
 
Un ours très photogénique
Alors, ayant bien compris qu'il était l'objet du spectacle, notre ours ne ménage pas ses effets. Toujours pataud, il gravit la pente du glacier et s'immobilise encore un long moment au sommet, telle une silhouette dans le ciel clair, avant de tirer sa révérence de l'autre côté de la pente. Re séries de photos. Cette fois-ci, c'est sûr, on a vu l'ours. Un ours très… cabot !

 
Bien évidemment, cela aurait pu s'arrêter là. Mais en poursuivant la navigation dans l'autre branche du fjord de Crocker Bay, presque à la fin du dîner, un autre ours est en vue sur un large banc de cailloux. Lui aussi termine son repas, sans doute un phoque. Il s'est tellement régalé qu'il en a le museau rouge sang, de même que les pattes avant. Repu, il laisse les restes du phoque à une bande de goélands qui n'attendaient que son départ. Ainsi va la vie en Arctique.
 
Aparté :
 
Bien sûr, nous avons encore fait beaucoup de photos d'icebergs aujourd'hui, dont celle-ci prise un peu au hasard en toute fin de journée. En la visionnant après coup, il m'a semblé que la partie droite de l'iceberg ressemblait étrangement à l'une des statues de l'île de Pâques située sur les pentes du volcan Rano Raraku : même profil incliné, même arcade sourcilière anguleuse, même nez pincé. La nature est très étonnante.

Iceberg dans Crocker Bay
 

 
 
 

2 commentaires: