(Île Baffin - Nunavut - Canada)
Changement de
région, changement d'heure. En traversant la mer de Baffin cette nuit, nous
avons reculé la montre de 2 heures, à UTC-4.
Ce matin, il
n'est donc pas trop dur de se lever à 05h00 et voir ce qui se passe dehors.
Nous sommes maintenant au Nunavut, en territoire canadien. Le Soléal navigue
dans l'Eclipse Sound, un large canal entre les côtes escarpées de la grande île
Baffin au sud et celles de l'île Bylot au nord.
Temps gris, les
sommets sont dans les nuages, il neige sur les hauteurs. Vent de face dans
l'axe du chenal, bien sûr. Difficile de rester bien longtemps sur les ponts
extérieurs.
Arrivée au Nunavut - Les côtes de l'île Baffin |
06h50, le Soléal
est à l'ancre, pour une escale obligatoire au large de Pond Inlet, tout au nord
de l'île Baffin. Cette petite agglomération de 1.600 habitants est un port
d'entrée du Canada, et tous les passagers ainsi que l'équipage doivent se
mettre à la disposition des autorités canadiennes qui vont monter à bord pour
les formalités d'usage.
08h30, nous
sommes donc convoqués à tour de rôle au théâtre avec nos passeports pour un
"Face à face" devant un officier du service d'Immigration. Un coup
d'œil sur la photo, une question : "Etes-vous déjà venu au Canada ?",
Oui, non, c'est pareil ! En 10 secondes, c'est tamponné !
Ce cérémonial terminé,
nous pouvons débarquer et visiter le village. Après avoir longé la plage, nous nous
dirigeons vers le "centre" de l'agglomération. Les maisons, style préfabriqués,
sont toutes sur le même modèle, alignées de part et d'autre de larges voies en
terre.
C'est une autre
dimension par rapport à ce que nous avons vu au Groenland. Sentiment étrange :
cela parait plus organisé mais en même temps cela laisse une impression de
village oublié, encore plus éloigné de la civilisation… Ici, c'est loin, tout
au bout de l'île Baffin, elle-même tout au nord du Canada. C'est le far north !
Vue générale de Pond Inlet |
C'est dimanche
matin, il n'y a personne pour arpenter des voies bien trop larges, pas un quad,
pas un pick-up, ce qui augmente encore l'impression de désolation, seuls les
passagers du Soléal mettent un peu d'animation dans le village encore endormi.
Sur les
hauteurs, un petit musée est ouvert spécialement pour nous. Y sont exposés quelques
costumes traditionnels féminins, divers outils de chasse ou de pêche, des
oiseaux du littoral, un narval naturalisé, une scène de la vie d'une femme inuit
préparant un repas. C'est concentré et intéressant, mais à la mesure de la
commune.
Il y a aussi dans
ce musée une vente de souvenirs vers laquelle beaucoup se précipitent, pour
ressortir rapidement la mine déconfite. Les prix des rares objets à vendre
atteignent des niveaux… stratosphériques qui dissuadent très vite les amateurs.
C'est qu'ici, on est à 1.000 km d'Iqaluit, la capitale du Nunavut et 3.000 km
d'Ottawa. L'approvisionnement par bateau n'est possible que durant les trois
mois d'été, tout vient de loin par avion. Tout est un luxe.
Une jeune fille
nous guide à travers les rues et nous montre avec sérieux les hauts-lieux de Pond
Inlet : le centre administratif, l'école primaire, le dispensaire, le
supermarché, la salle commune, l'aéroport, la centrale électrique, l'usine des
eaux, la station d'épuration, les camions qui distribuent 24/24 l'eau potable,
le fuel ou qui évacuent les eaux usées. En fait, il n'y a rien à voir, mais on comprend
vite que cette jeune femme nous montre ce qui est essentiel, c'est la vie même
de la communauté, sa survie. Nous ferons le même genre de visite plus tard dans
d'autres villages.
On retrouve
autour de chaque habitation tout un amoncellement d'objets hétéroclites, hors
d'usage : carcasses de quads ou de motoneiges, coques de bateaux éventrées, moteurs
en pièces détachées, traineaux délabrés, etc… Ce désordre en plein air ajoute
encore à l'impression générale d'abandon.
11h00, nous
rembarquons après cette visite qui nous laisse songeurs et perplexes…
En toute fin de
matinée, le Soléal reprend sa navigation dans l'Eclipse Sound vers le site de
Cape Hatt. Les nuages disparaissent complètement après le déjeuner. Une jolie
lumière éclaire les paysages dont le relief s'adoucit progressivement.
Glacier sur l'île Bylot |
Avec les Zodiac™
nous débarquons dans une anse complètement fermée reliée à la mer par un long goulet
très étroit et sinueux. L'abri est parfait et nous atterrissons sur une longue
plage de cailloux. Nous sommes en réalité dans le fond d'une ancienne
vallée glaciaire. Les plantes rases de la toundra tapissent les premières
pentes entrecoupées de vastes zones de tourbe spongieuse. Des blocs de granite
rose sont empilés près des rives de la vallée, avec de beaux affleurements de
quartz. Paysage austère mais grandiose.
Les passagers se
dispersent dans la nature. Il y a la possibilité de faire une marche vers un
verrou glaciaire derrière lequel se cache un petit lac. Facile, c'est tout près
! Sauf que la réalité est toute autre à cause de la limpidité de l'air qui semble
raccourcir les distances. C'était l'exercice de la journée avant le retour à
bord en fin d'après-midi.
18h00, en avant
lente, le Soléal appareille pour une autre baie toute proche dans l'espoir
d'apercevoir des cétacés habitués des lieux. Après avoir fait des ronds dans
l'eau à faible vitesse et malgré les efforts de tous les naturalistes derrière
leurs jumelles, rien ! Déception !
Mais notre
Commandant ne lâche pas l'affaire facilement. Le Soléal pénètre dans un fjord
long et étroit, le Tremblay Sound, pour une nouvelle tentative d'observation
sans que nous y croyions vraiment… L'observation des cétacés n'est pas une
science exacte. Pourtant, alors que le dîner allait commencer, soudain l'annonce
"Narvals à bâbord !" provoque la ruée des passagers sur les ponts
extérieurs.
Les narvals sont
des animaux que l'on a longtemps associés à la légendaire licorne à cause de
leur défense. En réalité, ce sont les mâles qui portent cette longue dent,
c'est leur incisive supérieure qui est démesurée et qui leur sert d'organe
sensoriel. Ils se déplacent en longeant de très près les plages ou les falaises
pour se protéger des orques et plongent au moindre danger, d'où la difficulté à
les observer.
Ils sont
normalement discrets, très craintifs et vivent par petits groupes isolés, le
fait de pouvoir en apercevoir quelques uns est donc une chance. Sur les ponts
extérieurs et même à la passerelle, les naturalistes sont galvanisés, ils
sautent comme des cabris et n'en croient pas leurs yeux…
L'excitation est
à son comble car ce n'est pas un groupe que nous observons de loin, mais un
énorme troupeau estimé à environ 700 narvals qui commencent leur migration. Ils
se succèdent sur plusieurs centaines de mètres et sautent dans un
bouillonnement permanent. Le Soléal navigue lentement parallèlement à eux, mais
cela reste lointain, il faut de bonnes jumelles pour bien les observer.
Les appareils
photos crépitent à tout va en longues rafales. Nous avons beaucoup de chance,
apparemment c'est du jamais vu !
Et avec tout ça,
le chef-cuisinier a dû garder le dîner au chaud pendant plus d'une heure et
demie. Pas sûr qu'il ait apprécié ! C'est ça l'exploration !
Aparté
:
Canada
: Provinces et Territoires
Les Territoires du Nunavut,
du Nord-Ouest et du Yukon sont les trois Territoires du Canada. Ils sont situés
au nord du 60ème parallèle et couvrent 40 % de la
superficie du pays, mais ne représentent qu'environ 0.3 % de sa population.
Les Provinces sont toutes situées au sud du 60ème parallèle.
Il existe une nette
distinction entre les 10 Provinces et les 3 Territoires sur le plan
constitutionnel. Alors que les provinces exercent des pouvoirs
constitutionnels de plein droit, les Territoires ont des pouvoirs délégués
sous l'autorité du Parlement du Canada.
De
plus, en raison des réalités géographiques, économiques, sociales et
démographiques, la majeure partie des ressources financières des Territoires provient
du gouvernement fédéral. Ce financement assure aux résidents des Territoires
l'accès à une gamme de services publics semblables à ceux offerts par les
gouvernements des Provinces.
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Quelle chance, cette rencontre des narvals !! L'excitation à bord et le report du dîner sont largement justifiés ;)
RépondreSupprimerLors de notre navigation au Nunavut nous avions aperçu des narvals ils n'y en avait certainement pas autant et étaient loin mais je n'avais pas regretté de mettre levée à 5 h 30.
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