LUNDI
07 SEPTEMBRE 2015 - Jour 15 - ULUKHAKTOK
- (Territoires du Nord-Ouest)
06h15, le Soléal
navigue toujours en vue de l'immense île Victoria, dans le détroit de Dolphin
et Union. Depuis 1999, l'île Victoria est séparée entre le Nunavut et les
Territoires du Nord-Ouest. Et c'est dans cette nouvelle région du Canada que
nous ferons bientôt escale.
Encore un
superbe lever de soleil au-dessus de Victoria. Au fur et à mesure de sa lente
montée, les nuages prennent des couleurs inédites et la mer devient rose. Toujours
aussi spectaculaire ! Une fois de plus,
cela valait le coup de sortir tôt du lit. Malheureusement, ce sont les nuages
qui l'emporteront et le reste de la journée sera bien gris.
Couleurs matinales avant que le soleil disparaisse au-dessus des nuages |
Au cours de la
matinée, Nadine et Jean-Claude projettent le film qu'ils ont réalisé à la suite
de leurs différents séjours dans le Grand Nord. "Itinéraires au Nunavut"
est un condensé de ce qu'ils ont vu et vécu avec les Inuits et aussi avec la faune
locale en filmant de très près un ours trop curieux. Beaucoup de sang froid et
de présence d'esprit pour tenir la caméra.
12h00, quart de
passerelle pour assister à l'arrivée et au mouillage dans la baie d'Ulukhaktok.
Ulukhaktok est depuis 2006 le nouveau nom inuit du village de Holman où vit une
communauté de 400 personnes. Ce village est à plus de 900 km de Yellowknife, la
capitale du Territoire du Nord-Ouest et à 3600 km d'Ottawa, la capitale du
pays. Et aux alentours, il n'y a rien, ni personne. C'est dire l'extrême isolement
de ces communautés repliées sur elles-mêmes…
Débarquement sur
une plage de petits galets face au village. Grosse animation sur cette plage où
beaucoup d'habitants sont déjà là pour nous accueillir. Les enfants, les ados
se précipitent pour dire bonjour, serrer la main ou essayer de discuter. En
fait, les bêtes curieuses, c'est nous !
Des familles
arrivent en quad. La plupart des femmes portent une sorte de chasuble avec des
motifs colorés, sur laquelle elles ont passé un gros anorak avec une capuche
bordée de fourrure. C'est qu'il ne fait pas chaud, ici.
Deux jeunes
femmes nous guident à travers l'une des rues du village. Comme précédemment à
Pond Inlet, il n'y a rien d'autre à voir que ce qui est strictement utile à la
communauté, l'école, le dispensaire, etc, etc… Le seul luxe du village : deux
églises. L'entretien des édifices publics, comme celui des habitations, est
plus que minimaliste. Les voies en terre sont bien trop larges pour le peu de
véhicules qui les empruntent en soulevant un copieux nuage de poussière,
quelques quads ou pick-up et aussi le camion qui livre l'eau potable.
La rue centrale |
Plaque à l'entrée du centre administratif |
Plaque d'immatriculation polaire |
Le ciel gris et
bas renforce l'impression de tristesse de ce village. On ressent l'éloignement,
l'abandon de ces communautés oubliées du pouvoir central, livrées à elles-mêmes,
sans vraies ressources. Sédentarisées, ces populations ont perdu tous leurs
repères ancestraux sans qu'elles aient gagné quoi que ce soit avec le
modernisme.
Nous continuons
notre balade le long de la plage vers un groupe d'habitations de construction
récente avant d'aller vers le cimetière du village situé sur une petite
hauteur. Quelques tombes sont simplement faites de pierres posées sur le sol et
les croix portent des petites plaques avec les noms de tous les disparus de la
famille. Pas de fioritures !
En chemin nous
croisons Lucas, le naturaliste ès botanique qui nous recommande de visiter une
petite serre tunnel située sur une placette du village. Et là surprise, dans ce
coin perdu du Grand Nord, nous sommes accueillis par un couple d'Ivoiriens
rigolards qui manifestement sont étonnés mais ravis d'être les vedettes de la
journée.
Ils sont arrivés
au Canada il y a une quinzaine d'années et sont installés depuis dix ans à Ulukhaktok.
Dans un rôle social, ils sont missionnés par le gouvernement canadien pour apprendre
aux Inuits… comment cultiver des légumes ! Lesquels légumes n'entrent
manifestement pas dans les coutumes alimentaires des habitants ! Pour quelle
utilité et quel espoir de réussite ? (Sans doute une fausse bonne idée qui a dû
germer dans la tête d'un technocrate canadien !?...).
Quoiqu'il en
soit, il fait bon dans la serre, nos deux Ivoiriens semblent heureux et leur
production fait merveille dans des caissons hors sol : pommes de terre,
haricots, piments, petits pois, etc… De là à nourrir 400 habitants… Dans la
bonne humeur, nous avons vécu quelques moments vraiment décalés.
15h45 sur la
plage, les habitants assistent à notre rembarquement, des groupes se forment essayant
de discuter.
C'est
l'habitude, plusieurs habitants viennent à bord du Soléal pour offrir un
spectacle aux passagers. Cela commence par une démonstration de jeux de force
entre deux hommes, puis des chants par la chorale accompagnés de tambours. Deux
jeunes filles font un récital de chant de gorge. Ensuite, les mêmes acteurs habillés
de tenues folkloriques noires ornées de dessins géométriques et de fourrure reviennent
sur scène pour interpréter des chants rituels lancinants, qui sans doute devaient
mener en transe à l'époque où était pratiqué le chamanisme.
20h00, ce soir
c'est le dîner du Chef (cuisinier) avec la participation des officiers du bord.
Dîner décontracté avec Sarah, la Directrice de croisière qui n'a aucun mal à
animer les discussions autour notre table. Nous partageons aussi le repas avec
Eric, l'un des lieutenants machine que je ne connaissais pas. Une occasion
rêvée pour savoir ce qui se passe dans l'un des endroits les plus secrets du
bateau et pour lui de changer d'horizon un court moment lors d'une soirée vraiment
sympathique.
Contraste assez saisissant des rencontres de cette journée avec les jours précédents... J'imagine le sentiment d'irréalité, ce village perdu, aux conditions de vie difficile, et puis la serre ivoirienne... Vraiment étonnant (et un peu triste en fait).
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