Le bateau est de retour à Nuku Hiva qui
était la première escale de ce périple marquisien. L'Aranui est resté à quai toute
la nuit. En conséquence, grasse matinée jusqu'à 06h00 ! L'Aranui revient ici pour
recharger les conteneurs qui avaient été déposés pleins à l'aller et aussi compléter
la cargaison avec du fret d'agrumes à destination de Tahiti.
L'escale est de courte durée et nous permet
juste de trouver une connexion Internet dans un petit snack sur le
"port", près du centre de Taihoae. Le port est en réalité un modeste
quai où accostent les pêcheurs, où les plaisanciers accrochent leur annexe, et
plus occasionnellement, où s'amarrent les tenders débarquant les passagers des
rares paquebots qui croisent aux Marquises.
Avec ses grandes tables et ses bancs
installés sous un barnum, ce snack est le point de convergence des pêcheurs qui
viennent discuter et des tourdumondistes qui, comme nous, veulent se connecter
à Internet. Le débit de celui-ci est bien lent et permet juste l'envoi de deux
pages de photos. Ce qui laisse le temps de siroter un jus d'ananas en regardant
l'arrivée dans la rade d'un petit paquebot, le Pacific Princess .
Rencontre en baie de Taiohae |
Aujourd'hui, le temps est compté et à
08h30 nous reprenons le truck qui nous ramène à bord, juste avant
l'appareillage. L'Aranui met alors le cap vers le sud, vers l'île de Ua Pou
distante de 29 milles (53 km).
Cap vers l'île de Ua Pou |
La mer est agitée, le vent souffle fort
sur le travers. Il fait grand soleil et la visibilité est excellente. Depuis la
coursive supérieure, on distingue parfaitement le profil complexe de l'île avec
ses hautes pointes où stagnent les nuages. De toutes les Marquises, Ua Pou est
la plus surprenante à cause de ces pitons, "les Piliers".
Le bateau doit faire demi-tour aussitôt
entré dans la baie de Hakahau pour pouvoir aborder le petit quai. A cause du
vent tourbillonnant entre les rives de la baie, la manœuvre d'accostage est
délicate. Le commandant d'ordinaire très calme parait sur la défensive,
distribuant à la radio des ordres brefs au poste avant pour mouiller l'ancre ou
à l'arrière pour porter les aussières à terre. Il a l'œil partout, va et vient
entre la passerelle et l'aileron tribord, faisant corriger en permanence la
barre et le moteur. Finalement, la prise de quai se fait en douceur. Le
commandant et le second paraissent bien soulagés.
L'Aranui au quai de Hakahau |
Sport local : Jeune équilibriste marquisien |
La manutention des conteneurs et des
caisses de fret commence aussitôt l'arrivée du bateau. Et aujourd'hui, les
grutiers, caristes et caliers doivent être particulièrement performants, car le
quai doit être dégagé rapidement.
Ce quai est actuellement très court et ne
sera bientôt plus adapté pour les escales du futur Aranui 5 (qui fera
probablement sa croisière inaugurale fin 2015). Des travaux importants sont
nécessaires pour le rallonger et la "première pierre" du futur
ouvrage doit être posée ici en début d'après-midi.
Et aux Marquises, on aime bien mettre
toutes les chances de son côté, alors autant placer cette "première
pierre" sous la protection du Très Haut. On n'est jamais trop prudent !
C'est ainsi qu'un office religieux se déroule sur le quai avec tout le
cérémonial marquisien qui l'accompagne : prières, percussions, guitares,
conques et chants repris à l'unisson par tous les fidèles rassemblés sur le
quai. Ces chants sont particulièrement impressionnants de force et de ferveur
collective. Des passagers se sont mêlés aux habitants. Nous voyons et écoutons
cela depuis la plus basse coursive de l'Aranui. Prenant !
Ferveur sur le quai de l'Aranui |
L'Aranui est tellement important aux yeux
des Marquisiens qu'il a même fait l'objet d'une intention de prière durant
l'office… C'est dire ! L'Aranui et ses marchandises sont la vie même des
Marquisiens. Cela méritait bien une bénédiction !
En quittant la dernière escale marquisienne |
Le bateau largue les amarres dès la fin
de la cérémonie et entame un savant demi-tour en marche arrière pour sortir du
port. Ua Pou est la dernière étape de ce périple marquisien. L'Aranui contourne
l'île avant de mettre le cap vers le sud-ouest et entamer le retour vers
Tahiti. Bon nombre de passagers s'attardent sur les ponts ou les coursives, et
contemplent Ua Pou qui s'éloigne dans le sillage.
Derniers regards vers les Îles Marquises |
Derrière nous, la côte s'estompe
lentement alors que le jour décline. A l'arrière du pont piscine, nous sommes
plusieurs passagers accoudés au bastingage, silencieux. On devine les regrets de
chacun d'avoir dû quitter les Marquises un peu trop vite.
Les Marquises, c'est fini ! La prochaine
escale aux Tuamotu, dans trente-six heures, est comme un sursis dans ce retour
vers Papeete.
Après le dîner, je m'accorde quelques
moments à la passerelle. Il fait nuit noire, l'océan est vide, pas la moindre
lumière à l'horizon. L'Aranui taille sa route : cap au 233, vitesse 13.5 nœuds,
et 560 milles à parcourir entre Ua Pou et Rangiroa (Tuamotu).
A cette heure, c'est le lieutenant
sécurité qui est de quart avec un veilleur. Le lieutenant est polynésien,
originaire des Iles Australes, loin au sud de Tahiti. Son cursus maritime lui a
fait découvrir Nantes et Saint-Malo. Confronté aux rigueurs de la Manche sur
les ferries, il a préféré revenir en Polynésie.
Et puis cette nuit, il faut remettre
toutes les pendules à l'heure de Tahiti : UTC-10:00.
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