L'escale de Takapoto a bien scindé en
deux la route jusqu'aux Marquises. N'empêche qu'il reste 465 milles à parcourir
(860 km), soit deux nuits et une journée de mer et que nous ne serons pas arrivés
à l'île de Nuku Hiva avant mardi matin.
Lundi
24 Novembre 2014 - En mer
Nuit paisible. Ce que confirme le livre
de bord consulté à l'aube à la passerelle : " Vent nord-ouest à nord,
force 1". De fait, la mer est calme, juste une faible
houle, la température… encore supportable (eh, oui !). Le bateau peut tailler
sa route tranquillement.
Nous sommes sous les Tropiques et je vais
rapidement trouver mon rythme : lever chaque matin à 05h00, presque en même
temps que le soleil, puis ascension jusqu'au pont supérieur et visite de la
passerelle. Selon l'humeur du moment ou les occupations du second capitaine,
c'est discussion ou analyse de la nuit penché sur la table à carte ou
simplement observation silencieuse des environs. C'est l'heure magique où le
soleil se lève, la promesse d'un nouveau jour alors que le bateau est encore
silencieux. C'est l'instant privilégié que j'apprécie toujours, d'autant qu'en
début de croisière je suis le seul à en profiter.
Pour cette grande journée de navigation,
l'ambiance à bord est plutôt détendue avec peu de contraintes, sauf pour les
horaires des repas où là, c'est très sérieux ! Sinon, c'est relaxation à
l'arrière du pont piscine, lecture pour les uns ou conversation pour d'autres,
etc…
En milieu de matinée, se déroule dans le
salon une conférence donnée en français par un éminent linguiste et
anthropologue allemand, féru d'histoire et de culture océanienne qui a passé
une grande partie de sa vie aux Marquises dont il a appris la langue. Le thème
de la matinée est un exposé sur l'histoire du peuplement de la Polynésie et
l'évolution de la langue dans les différentes iles. Deux autres conférences
sont prévues en cours de croisière.
A la fin de la conférence, le bateau est
arrêté pour une intervention de courte durée dans la salle des machines.
L'Aranui bouchonne en pleine mer. Une occasion unique d'apprécier la couleur du
Pacifique !
Bleu Pacifique |
Pour rompre le désœuvrement, il y a bien
sûr plusieurs ateliers animés par le staff. Des cours de danse, de musique ou
des initiations ponctuelles aux traditions marquisiennes : confection de
colliers de fleurs, tressage de palmes et même préparation (puis dégustation)
de poisson cru. Tout cela en toute liberté, selon les envies ou disponibilités
de chacun.
Et puis, il faut bien faire marcher le
petit commerce ! Rien de tel qu'un défilé de mode autour de la piscine pour
susciter les envies et favoriser les achats compulsifs dans la boutique du bord
! Et ce soir, les mannequins sont… les passagères elles-mêmes (et quelques
passagers également). Et certaines ne vont pas se priver pour faire le
spectacle !
Les initiateurs de ce divertissement ont
fait preuve de beaucoup de tact en permettant à qui le voulait de participer à
ce défilé. Et si tous les modèles n'étaient pas top, la soirée a été menée avec
beaucoup d'humour par Manarii, animateur aussi talentueux qu'efficace.
La surprise générale est venue de quatre
ou cinq passagères japonaises qui sont sorties de leur retenue habituelle pour
participer à ce défilé alors qu'on ne les y attendait pas. Notamment, la plus
âgée d'entre elles, petite, frêle et fragile, toute heureuse de tourner autour
de la piscine, alors qu'un des marins la marquait de près, bras tendus, prêt à
la rattraper avant qu'elle ne tombe (éventuellement)... à l'eau. Cette petite dame
a bluffé et amusé tous les spectateurs.
Sans être vraiment fanatiques de ce genre
de distraction, il faut avouer que nous avons passé un bon moment de rigolade
sans prétention qui a également contribué à une meilleure connaissance des
passagers entre eux.
Ensuite, l'événement marquant de cette
nuit a été le passage à l'heure marquisienne.
Eh oui, la Polynésie, c'est vaste et
compliqué ! Si les îles de la Société, les îles Australes et les Tuamotu sont
sur le même fuseau horaire UTC-10:00, l'archipel des Gambier est sur le fuseau
UTC-09:00. Quant aux Marquises, l'heure légale est en avance d'une demi-heure
par rapport à Tahiti, soit UTC-09:30.
Cette demi-mesure permet d'être au plus
près de l'heure solaire locale. Non seulement il faut avancer la montre de 30
minutes, mais également reparamétrer manuellement tous les appareils
électroniques. Ca occupe !
Mardi
25 Novembre 2014 - NUKU HIVA - Iles Marquises
A l'aube, l'Aranui approche du groupe nord des îles Marquises. Déjà, dans le cap on voit clairement Nuku Hiva, encore plus en avant c'est Ua Huka et par le travers tribord, Ua Pou. Autant de noms compliqués qui vont devenir plus familiers au cours de cette croisière.
La carte marine au petit matin : rien de mieux pour comprendre le relief de Nuku Hiva |
A l'aube, la côte sud de Nuku Hiva |
Nous ne sommes plus qu'à quelques milles de
Nuku Hiva, l'île principale des Marquises (3000 hab.) où l'on discerne une côte
fortement découpée. Avec le soleil qui se lève, le profil et le tracé de cette
côte se révèlent encore plus accidentés et tourmentés. D'épais nuages coiffent
les hauts sommets verdoyants du centre de l'île.
Le bateau pénètre ensuite au sud de l'île
dans la baie de Taiohae, cernée de montagnes aux versants abrupts et
verdoyants, une jolie baie profonde où plusieurs voiliers sont à l'ancre devant
le village.
06h30, l'Aranui accoste le quai de
Taiohae, l'agglomération principale de l'île, et aussitôt commence le déchargement
des plus grosses pièces de fret, en particulier les conteneurs réfrigérés qui
arrivent pleins depuis Papeete et qui seront récupérés vides dans quelques
jours. Cela entraîne déjà une forte animation sur le quai due aux mouvements
incessants des engins de manutention.
L'Aranui 3 au quai de Taiohae |
C'est une grosse journée de découverte qui nous attend aujourd'hui. En longeant la baie, nous nous rendons à pied vers le village. Nous avons rendez-vous sur un grand parking où stationnent une quarantaine de pick-up 4x4 aussi rutilants les uns que les autres, ce qui ne manque pas de nous étonner.
Il faut dire que les infrastructures routières
marquisiennes n'ont longtemps été que des pistes en terre et qu'il n'y a pas de
transports organisés pour les touristes que nous sommes. Ce sont donc des
particuliers regroupés en association qui gèrent eux-mêmes les déplacements des
visiteurs débarquant de l'Aranui ou d'autres paquebots occasionnels.
C'est une sympathique marquisienne, la
tête ceinte d'une jolie couronne de fleurs rouges et orangées, qui nous prend
en charge et nous sert de guide en nous vantant d'une voix trainante et en
roulant doucement les R tous les charmes de son île. C'est ainsi que nous
partons en convoi visiter la Cathédrale de Taiohae, un vaste édifice construit
à la fin du XXème s. à côté d'un ancien site religieux polynésien.
Elle est faite de pierres de lave provenant des différentes îles marquisiennes.
Baie de Taiohae |
Nous poursuivons sur une petite route
bétonnée, sinueuse, escarpée et de plus en plus verdoyante à mesure que l'on
s'élève et qui nous mène jusqu'au col de Muake d'où l'on a un magnifique point
de vue sur la baie de Taiohae.
On passe d'une vallée à une autre en empruntant
des pistes cahoteuses et ravinées où le 4x4 trouve sa justification pour
arriver au site archéologique de Kamuihei, situé en pleine forêt. Ce sont les vestiges d'un ancien village où
ne subsistent que les fondations d'habitations, de temples ou de places étagées
sur le flanc de la montagne. A l'ombre d'un gigantesque banian, arbre sacré
vieux de 600 ans, une troupe folklorique nous fait une longue démonstration de haka,
danse guerrière pour impressionner l'ennemi.
Exhibition folklorique au pied du banian sacré |
La descente, toujours sinueuse et pentue,
vers la rive nord de l'île nous réserve de beaux points de vue sur des
formations basaltiques étonnantes qui dominent le paysage avant que nous
n'arrivions à Hatiheu.
La descente vers Hatiheu |
Hatiheu est lové au fond d'une profonde
baie cernée de hauts et étonnants pitons basaltiques. Encore une fois, nous
sommes dans la carte postale : des montagnes verdoyantes tombant à pic dans une
mer bleue qui déferle en puissants rouleaux sur une plage de sable noir…
Le village est paisible. En retrait du
tohua, la place sacrée, s'élève une belle église surdimensionnée sur fond de
cocotiers. On s'approche du paradis !
Baie de Hatiheu
C'est aussi notre première rencontre avec
les tikis, qui sont caractéristiques des Marquises, symboles stylisés des
ancêtres hommes ou dieux de la mythologie locale. A cause de l'érosion due aux
conditions climatiques, ces statues très anciennes en pierre ont malheureusement
perdu leur expressivité d'origine.
Adossés aux murs de pierre, nous reprenons
péniblement notre souffle en écoutant les commentaires de notre guide. Nous voyons alors arriver
tranquillement quelques minutes après nous, deux des passagères japonaises, suscitant
l'étonnement, l'admiration puis les applaudissements des autres visiteurs.
Notre excursion se termine dans la baie de
Taipivai vers laquelle l'Aranui s'est déplacé dans la journée pour charger une importante
cargaison de coprah. Le rembarquement se fait directement depuis la plage où notre
chaland rustique prouve toute son efficacité.
Beachage à Taipivai |
superbe lumière de l'aube :)
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