La nuit a été raccourcie d'une demi-heure
à cause du changement d'heure et le soleil s'est réveillé avant moi ce matin… même
s'il fait encore la grasse matinée derrière les nuages. Rompant avec les
habitudes, à peine levé, c'est sur le pont piscine que je m'accorde un long
moment de contemplation avant le petit-déjeuner.
Le bateau taille sa route à travers le
Pacifique. Dans le sillage, derrière l'horizon, les Marquises se sont éloignées.
L'Aranui a accompli sa mission. Il a ravitaillé les îles, déchargeant produits
alimentaires, matériaux, machines, véhicules… Il repart les cales pleines de
coprah et de fruits produits par les agriculteurs locaux. Des Marquisiens sont
également à bord pour rejoindre Tahiti.
Bien sûr, en tant que passagers, nous
étions en dehors de ce système-là. Pourtant, nous n'étions pas que de simples
croisiéristes consommateurs de paysages ou d'excursions sur un bateau de loisirs,
mais plutôt des observateurs chanceux et privilégiés de la vie marquisienne sur
un navire de charge, lors de chaque escale.
Vivre une croisière à bord de l'Aranui,
c'est vivre un voyage différent. C'est cette idée qui reviendra toute la
journée dans les conversations entre passagers. Une croisière
"authentique" dira l'un, une croisière "utile" dira
l'autre. Tout cela est d'autant plus vrai qu'aucun passager ne se montrera déçu
par tout ce qu'il a vu ou vécu à bord.
Pacifique Sud |
Ce jour de transition passé en mer va
permettre à chacun de faire en douceur la liaison entre les Marquises et
Tahiti. C'est donc une journée de
relaxation où chacun va et vient, discute, lit, plonge dans la piscine ou tout
simplement, s'évade en fixant l'horizon. C'est le moyen de faire durer le
voyage.
Un jour et deux nuits de mer entre les Marquises et les Tuamotu |
Jeudi
04 Décembre 2014 - RANGIROA - Archipel des Tuamotu
Dernière escale ce matin à Rangiroa, le
plus grand atoll des Tuamotu : 78 km de longueur, 33 km dans sa plus grande
largeur, 200 km de périmètre, l'île de Tahiti pourrait tenir à l'intérieur de
son lagon. C'est immense !
Atoll de Rangiroa - Dans la passe de Tiputa |
C'est si grand, qu'à 07h45, une fine
ligne noire barre tout l'horizon face à l'Aranui. Aux jumelles, les
superstructures blanches du paquebot Pacific Princess dominent un paysage absolument
horizontal. Progressivement, on finit par deviner une plage blanche infinie, et
derrière, la cime des cocotiers.
Le lagon se vide et le courant provoque
de beaux remous en accélérant dans l'étroite passe de Tiputa. Depuis le pont
supérieur de l'Aranui, on domine largement un long ruban vert de cocotiers séparant
l'océan du lagon.
Après la passe, le bateau doit contourner
un îlot sablonneux avant de suivre un étroit chenal parallèle à la rive. Toute
la surface est d'un bleu profond. Pourtant, dès l'entrée dans le lagon, la
luminosité devient intense, c'est éblouissant.
A cause du manque de profondeur, l'Aranui
est mouillé loin de la rive. Les chalands beachent sur une étroite plage de
sable corallien. Aussitôt débarqué, chacun se réserve un coin à l'ombre avant
d'aller se baigner.
C'est vraiment tentant. La température
extérieure, l'eau turquoise et tiède incitent à la baignade. Il y a aussi
quelques blocs de corail à proximité, fréquentés par quelques petits bancs de
poissons qu'on ne se lasse pas d'observer à travers le masque de plongée. La
détente complète !
Nouveau pique-nique et barbecue à
proximité de la plage. Nous sommes attablés sous un barnum pour goûter aux
charmes de la cuisine polynésienne. Pas de nouveautés, mais c'est toujours
aussi varié et délicieux.
Une escale aux Tuamotu n'est pas concevable
sans la visite d'une ferme perlière. Cela nous en apprend plus sur la production
des perles noires qui est une des activités principales de l'archipel. Après
avoir écouté quelques explications théoriques, nous assistons au travail du
greffeur, qui, avec précision et délicatesse, doit insérer dans l'huître un
noyau (le nucléus) et un greffon. En réaction à ces intrus, le coquillage
enrobe progressivement le nucléus d'une couche de nacre qui au bout de cinq ans
donnera une jolie perle allant du gris clair au gris foncé avec souvent des
reflets argentés ou verdâtres.
Greffe d'une huître perlière : précision chirurgicale |
Il va sans dire qu'une telle visite se
termine par un passage obligé dans la boutique de la ferme et que quelques
passagères ont succombé !
Au bonheur des dames... |
Appareillage à 15h00, en refaisant la
route inverse pour rejoindre la passe de Tiputa, inondée de lumière. Arrivé à
l'extérieur de l'atoll, l'Aranui contourne Rangiroa par le nord-ouest en
suivant de près la côte basse où la mer déferle à l'infini en grosses vagues
blanches sur le platier de corail. Nous longeons ainsi, pendant 3 heures et sur
55 km le long récif blanc avant de gagner le large et pouvoir
faire route directe vers Papeete, alors que la nuit tombe.
L'Aranui 3 au mouillage dans le lagon de Rangiroa |
Et comme d'habitude à ce moment de la
croisière, le moral est au bas ris ! L'idée d'avoir à faire les valises ce soir
n'est pas réjouissante. Accoudé au bastingage, les Marquises et les Tuamotu
dans le sillage, je me dis que le retour à Tahiti n'était pas si urgent. C'est
toujours ainsi la veille de chaque débarquement, mais cela finit par passer.
Dernier dîner à bord. A la fin du repas, quelques
membres d'équipage offrent un petit spectacle commençant par quelques accords
de guitare et d'ukulélé qui accompagnent les chanteurs. Progressivement, les
passagers se mêlent à la chorale et aux danses. Arrivent alors quatre autres
équipiers plutôt musclés et tatoués, justes vêtus de pagnes en tissu, qui se
lancent dans un haka marquisien avec tous les gestes et les hurlements de
circonstance. Selon un rituel bien rodé, et il fallait s'en douter, ce haka
évolue vers une chorégraphie autrement plus explicite. Les Marquisiens sont
entre eux et cela amuse bien tout l'auditoire…
Et nos danseurs vont ensuite inviter tous
les hommes de l'assistance à les accompagner. Si, si ! Bon nombre se porteront
volontaires pour la suite de cette chorégraphie plutôt suggestive… sous les éclats
de rire et les applaudissements du reste de l'assistance. Un vrai succès !
La complicité entre l'équipage et les
passagers a permis la réussite de ce spectacle surréaliste qui n'était possible
que sur l'Aranui. Pas sûr que la même scène aurait été imaginable sur un
paquebot plus conventionnel !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire