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ILE DE UA POU

Mercredi 26 Novembre 2014

L'Aranui est resté une bonne partie de la nuit au mouillage dans la baie de Taipivai à Nuku Hiva. Il faut dire que les distances entre les îles sont courtes. A peine deux heures et demies sont suffisantes pour rejoindre l'île de Ua Pou à 29 milles (53 km) au sud.

J'ai ainsi pris l'habitude de me lever avec le soleil à 05h00 et de monter aussitôt à la passerelle pour assister aux derniers milles de navigation de la nuit et être un observateur privilégié de toutes les entrées de port ou prises de mouillage en tout début de matinée.


Cela me permet aussi d'échanger quelques mots avec le second capitaine qui est toujours de quart à cette heure-là. Malgré son jeune âge, il a bourlingué sur presque toutes les mers du globe sur toutes sortes de navires, du petit paquebot chic en Méditerranée, jusqu'au navire gazier au nord de la Norvège, en passant par le transport d'éléments de fusée Soyouz entre Saint-Pétersbourg et la Guyane, ou encore la pose de câbles sous-marins sur un navire câblier.

L'Aranui est une nouvelle corde à son arc, il en est à son quatrième voyage sur la ligne. Il est attiré par la pratique de la voile hauturière, mais il parait très hésitant, handicapé semble-t-il par son expérience de la mer vécue à travers la Marine Marchande. Il est vrai que passer du cargo au voilier doit être un sacré choc, l'inverse est bien plus facile.

Arrivée matinale à Ua Pou
05h45, tandis que l'Aranui pénètre dans la baie de Hakahau à Ua Pou, les lourds nuages qui couvraient l'île se dissipent. Apparaissent alors une série de pointes volcaniques très escarpées, que les Marquisiens appellent selon une vieille légende : "Les Piliers". Ces pointes sont groupées et donnent un aspect menaçant à un paysage pour le moins inhabituel.

S'il y a bien un quai où l'Aranui peut accoster, Hukahau ne possède pas de service portuaire. C'est l'équipage du navire qui gère seul les opérations. Peu avant d'arriver, une ou deux chaloupes sont mises à l'eau et ce sont les marins eux-mêmes qui vont porter les aussières à terre au prix d'acrobaties parfois périlleuses.

Le quai, plus court que le bateau, est situé juste derrière la digue qui protège la baie de la houle. La manœuvre est plutôt complexe car le bateau doit faire demi-tour dans un espace restreint pour pouvoir accoster en s'aidant des aussières portées à terre. Ceci fait, le déchargement du fret commence immédiatement.


Nous partons à 07h30 faire une petite randonnée avant qu'il ne fasse trop chaud ! Il s'agit de rejoindre un calvaire situé sur une petite colline. Une demi-heure de marche suffit pour y arriver et, dès le départ, le soleil tape fort.
Mais la balade vaut le coup. A l'ombre de la croix, nous pouvons contempler tranquillement le village niché dans la verdure, la plage de sable gris au fond de la baie et les Piliers qui se découvrent peu à peu. Ces formations basaltiques attirent immanquablement le regard tant elles sont spectaculaires.
Les Piliers de Ua Pou

Baie de Hakahau
Juste la place pour accoster !
Retour vers le centre du village en longeant la jolie plage de sable.

Une fois toutes les trois semaines, l'arrivée des passagers de l'Aranui est un évènement dans chaque village des Marquises. Les habitants participent à l'accueil des visiteurs, en distribuant un collier de fleurs, en chantant, en grattant la guitare ou l'ukulélé au cours d'une aubade, en dansant au sein d'un groupe, en proposant la dégustation de fruits et bien sûr en vendant de l'artisanat.

C'est l'occasion de commercer, bien sûr. Mais en venant au devant des passagers, cela semble être aussi le prétexte pour les villageois de se retrouver entre eux pour discuter et colporter les derniers potins. Sans doute que nous aussi, passagers, nous leur apportons les échos du monde extérieur, et les échanges sont toujours fructueux.

Ce matin, c'est sous une halle hexagonale qu'ont lieu les animations à notre intention. En plus du collier de fleurs, nous avons droit à la chorale des enfants des écoles dirigée par le Maire de la commune lui-même. Et les petits marquisiens ne font pas semblant, ils chantent vraiment et très bien et très fort ! Le chant est dans leurs gènes.

Au centre de la halle, trône un buffet de fruits locaux dont on se sert dans une assiette… compostable (une grande feuille d'un arbre dont j'ai perdu le nom, désolé !), que l'on remplit de mangue, papaye, pamplemousse vert, banane fraiche ou séchée ; le tout accompagné d'un petit verre d'une boisson aromatisée au gingembre. C'est délicieux, tous ces fruits récemment cueillis ont des saveurs que l'on a oubliées depuis longtemps. Un régal !

Dans une pièce attenante, se tient le marché artisanal, emplacement incontournable de toute escale de l'Aranui. Les stands sont tenus par des Marquisiennes vêtues de longues robes ou de paréos très colorées, leur tête souvent entourée d'une jolie couronne de fleurs. D'une voix lente et douce, elles vantent aux touristes la qualité des objets qu'elles vendent.
Elles proposent surtout des curios sculptés dans l'ébène ou le bois de rose, symbolisant les croyances ou divinités locales : raies mantas, tortues, tikis, etc... D'autres proposent les mêmes objets, mais réalisés en "pierre fleurie". Cette pierre, qui a inspiré plusieurs sculpteurs marquisiens, est incrustée dans sa masse de petits dessins ressemblant à des pétales de fleurs. On ne la trouve que dans deux endroits au monde : au Brésil et à Ua Pou.

Ce joli marché a eu un succès mérité et les affaires ont été florissantes.


En fin de matinée, nous sommes conviés au tohua, place cérémonielle du village, pour une nouvelle exhibition folklorique. Toujours un peu pareil, toujours un peu différent. Cette fois-ci, ce sont d'abord les femmes qui évoluent en ondulations gracieuses, relayées par les hommes qui nous refont le coup du haka dans des postures agressives qu'ils accompagnent de cris rauques. Ainsi, à chaque représentation, nous avons droit à la "Danse du Cochon" qui semble être un élément obligatoire du répertoire local. Quel sens donner au nom de cette danse ? Il se dit que les guerriers marquisiens, avant d’aller au combat, imitaient les déplacements et les cris du cochon sauvage afin d’impressionner l’ennemi. Sans doute est-ce vrai pour les premiers mouvements de cette danse ? Mais il m'a semblé qu'en fin de chorégraphie, la gestuelle et les sons qui l'accompagnaient, s'orientaient plutôt vers une imitation du comportement… humain. Mais je peux me tromper !

La relève est déjà assurée !
Quoi qu'il en soit, les danseuses et danseurs de Ua Pou étaient très heureux de nous présenter leur répertoire qui témoigne du renouveau des traditions ancestrales longtemps abandonnées et qu'ils ont plaisir à remettre au goût du jour.

Nous nous rendons ensuite au cœur du village, au restaurant "Tata Rosalie" pour un buffet de spécialités marquisiennes. C'est ainsi que les passagers de l'Aranui participent, en dehors de l'achat de souvenirs, à l'économie locale en aidant ponctuellement, commerçants, restaurateurs, agriculteurs ou pêcheurs. Les Marquises et l'Aranui, c'est gagnant, gagnant !


14h00, retour à bord. A ce moment, je dois faire un aparté personnel. C'est aujourd'hui le jour exact de notre anniversaire de mariage, évènement qui est le prétexte avoué de ce voyage. 20 ans ! Cela devait être fêté dignement !

La veille, ne sachant où m'adresser sur place, j'avais sous-traité avec Vaihere, la directrice de croisière, la mise en place d'un bouquet de fleurs dans la cabine. Elle m'avait rassuré en me disant qu'elle organiserait cela et que d'avance, elle était déjà sûre que cela serait très bien.


C'est ainsi que ce magnifique bouquet trônait sur la table de nuit de la cabine à notre retour d'excursion. S'étant prise au jeu, Vaihere était toute contente d'avoir fait ajouter une inscription sur un bandeau. Je vous laisse imaginer l'effet de surprise lorsque Nelly est entrée dans la cabine !

14h30, appareillage pour une navigation de 6 milles (11 km) vers le hameau de Hakahetau au nord-ouest de l'île, en longeant une côte très découpée où les montagnes tombent rapidement dans la mer et le paysage toujours dominé par les Piliers.

Baie de Hakahetau
15h30, l'Aranui jette l'ancre dans la petite baie de Hakahetau et les opérations de déchargement du fret commencent aussitôt. Mais ici, il n'y a pas de vrai port, juste un tout petit quai en L à gauche de la baie et qui offre un abri précaire contre le ressac. Il y a peu de place et cela bouge beaucoup. Le transfert des marchandises se fait en baleinière. Cela brasse tellement que chaque colis (y compris la machine à laver), est déchargé à la chaîne entre la barque et le quai, et stocké. Ensuite, les colis sont rechargés à la main dans les pick-up qui arrivent chacun leur tour en marche arrière. Idem pour le rembarquement des sacs de coprah.

La chaîne pour décharger la baleinière

La baleinière est amarrée. Le barreur met les gaz à fond pour
aténuer les effets du ressac
L'ambiance sur ces petits quais parait exotique et folklorique. En réalité, c'est très organisé, chacun sait ce qu'il doit faire et quand le faire. Malgré la confusion apparente, cela se passe toujours efficacement dans le calme.

En fin de journée, nous avons convié nos habituels compagnons de table autour d'un apéritif au bar. Un bon moment de convivialité avant de passer à table. Là encore, Vaihere avait bien fait les choses en informant le personnel du restaurant. Une table nous était réservée. Et bien sûr à la fin du dîner, toutes les lumières de la salle se sont éteintes. Sous les applaudissements de tous les passagers, nous avons partagé un succulent gâteau pendant que Manarii l'animateur, Steven l'un des guides marquisiens et Jacob le serveur, chantaient pour nous en s'accompagnant à la guitare et l'ukulélé. Nelly a eu beaucoup de mal à cacher sa surprise.   

LES PASSAGERS
Nous sommes environ 140 passagers pour cette croisière. Et pour une fois, majoritairement francophones, soit 75 Français, Suisses et Québécois. Et c'est bien reposant, puisque le français est la langue du pays et aussi la langue officielle du bord.
Il y a bien sûr, une trentaine d'anglophones, Etatsuniens, Australiens, Norvégiens et autres, ainsi qu'une vingtaine d'Allemands.
Et puis, fait paraît-il rarissime, nous avons à bord un groupe de quatorze japonaises. Une sorte de Women Club, des veuves voyageuses en quelque sorte ! Des petites dames âgées, formatées, toutes de la même taille et vêtues, chaussées, gantées, chapeautées de la même manière. Ensemble, elles forment un groupe monolithique, hors d'âge, hors du temps, hors du monde. Elles sont encadrées par un accompagnateur plus jeune, imperturbable et impénétrable, d'un stoïcisme à toute épreuve. Elles sont également maternées par une interprète locale.
Le silence et l'immobilisme de ce groupe peu avant le premier débarquement aux Tuamotu n'a pas manqué d'inquiéter les autres passagers, mais finalement cela s'est plutôt bien passé.
Avec l'aide de l'interprète locale, ces dames ont commencé à fendre l'armure lorsque cinq d'entre elles ont participé au défilé de mode. A petits pas, elles ont assuré une partie du spectacle, ce qui était complètement inattendu et a suscité rapidement une réelle sympathie des autres passagers envers elles.
Quelques autres ont également forcé l'admiration de tous lors des sorties pédestres, dont certaines n'étaient pas de tout repos (et pour ne rien cacher, certaines ont participé à des randonnées que nous n'avons même pas faites).
Finalement, sans faire de bruit, elles ont forcé le respect de tous.


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