VOYAGES de NM et JJM: 70° SUD ET AU-DELA !

Mercredi 22 Décembre 2012 - Aucun bruit, aucun mouvement. Mais à 03h45 et après une très légère secousse, le Commandant Charcot se libère de son mouillage de glace dans lequel il était encastré depuis hier soir. Commence alors une savante manœuvre en étoile afin de se dégager de la banquise pour faire demi-tour et pouvoir retrouver l'eau libre. Le Capitaine a bien envie de poursuivre l'exploration vers le sud.

En consultant la montre et le GPS tout en surveillant l'horizon, on comprend que le Capitaine prépare un coup. Effectivement, à 09h02, au moment même où il retrouve la banquise, le Commandant Charcot franchit le 70^ème parallèle sud. Quelle synchronisation !

70° S, on se rapproche du bout de la Terre ! Ces 70° Sud sont une nouvelle balise dans notre connaissance du vaste Monde. Cela ne sert toujours à rien, mais nous sommes contents, tout comme le Capitaine qui nous en fait l'annonce par la radio du bord quelques minutes plus tard.

Route suivie entre la baie Marguerite et l'île Charcot

Le bateau reprend peu après sa navigation dans la glace disloquée à environ 8 milles (15 km) de la côte de l'île Charcot, en louvoyant entre les icebergs prisonniers de cette banquise. Juste dans le cap du bateau, les naturalistes ont repéré un phoque qui se repose sur une plaque de glace qu'ils identifient comme étant un phoque de Ross, espèce mystérieuse très rarement observée car peu prolifique. Les naturalistes sont tout excités par cette rencontre imprévue. Le navire s'approche lentement de l'animal imperturbable et s'arrête un long moment à sa hauteur, ce qui lui permet de prendre la pose juste sous notre cabine. (J-B Charcot, dans le récit de sa seconde expédition, évoquait déjà sa rencontre fortuite avec un tel phoque et la rareté de son observation… il y a plus de 110 ans).

Phoque de Ross, rarement observé

12h00, le Capitaine réunit les passagers autour du bar à l'extérieur du pont 9 pour célébrer dignement le franchissement du 70^ème parallèle autour d'une coupe. Quelques petits flocons de neige virevoltent pendant qu'il prononce avec beaucoup de sincérité le discours d'usage. Il exprime aussi sa fierté d'avoir pu emmener ses passagers dans le sillage du Pourquoi Pas ? et de son célèbre commandant, qui a réalisé son exploit dans des conditions autrement plus difficiles que les nôtres. Séquence émotion !

Le passage du 70^ème parallèle sud est fêté au bar extérieur du pont 9. Tenue polaire de rigueur !

Le bateau continue de naviguer dans la banquise et suit à bonne distance la côte sud de l'île Charcot. Depuis le pont 5, en surplombant l'étrave, on voit le bateau faire sa trace dans la banquise de plus en plus épaisse, et cela passe sans problème. C'en est même impressionnant !

A 16h10, le bateau s'incruste dans la banquise franche et compacte en prévision d'un nouveau débarquement. Autour de nous, c'est le jour blanc. Plus d'horizon sous le ciel cotonneux, pas de vent, plus de relief, les points de repère s'évanouissent rendant impossible l'évaluation des distances, à en perdre le sens de l'orientation. Le silence total est étouffant. Malgré le ciel bas et terne, (et malgré les lunettes ad-hoc), la lumière uniforme est aveuglante. Plus de contrastes, tout est blanc-gris ou gris-blanc, on ne sait ! Tout juste arrive-t-on à discerner, tel un filigrane bleuâtre, le front glaciaire qui déborde l'île ! Ici, "Etre au milieu de nulle part" n'est pas qu'une expression facile, c'est la réalité. Une réalité qui laisse bientôt la place à un ressenti vraiment bizarre, presque dérangeant ! Cette ambiance nous dépasse complètement.