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LE VOLCAN RANO RARAKU


Mardi 06 Novembre 2018 (Matin)


09h10, débarquement tardif pour une grosse journée de visite. Alors que l'emploi du temps est vraiment chargé aujourd'hui, l'agent local n'a pas jugé opportun d'avancer les horaires, ni modifier l'ordre des trajets pour optimiser le temps passé sur chaque site. Cette inadaptabilité aux circonstances est vraiment déroutante et finalement frustrante.




Le milieu de matinée débute donc par le petit musée anthropologique d'Hanga Roa. Il s'agit plutôt d'une présentation de photos ou de tableaux. Pas facile de faire entrer un moai là-dedans ! Il y a néanmoins quelques pièces intéressantes : des petites statues en bois finement ouvragées, des outils en obsidienne, etc… Le plus intéressant : des fragments de corail et un cylindre de tuf rouge mis à jour par un archéologue pascuan lors des fouilles du site d'Anakena en 1978 et jamais trouvés ailleurs.


L'on s'est longtemps demandé à quoi cela pouvait correspondre, et l'archéologue a finalement découvert que ces pièces de corail s'adaptaient parfaitement à l'orbite d'une des statues relevées au même endroit. Ainsi, pour les anciens Pascuans, leurs ancêtres devenaient vivants et protégeaient le village dès lors qu'on leur posait les yeux après qu'ils aient été érigés sur leur ahu. 

Le regard des moais : Fragments de corail et pièce en tuf rouge retrouvés en 1978 à Anakena

En longeant de près la côte sud où la mer bat furieusement, le bus nous emmène vers le volcan Rano Raraku, haut-lieu historique de l'île de Pâques. C'est en effet des pentes de ce volcan qu'a été extraite jusqu'en 1680 la pierre dans laquelle ont été taillées les quelques 900 statues disséminées autour de l'île. Ca, c'est bien la seule certitude sur laquelle tout le monde semble d'accord !


Mais on n'est jamais sûr de rien dès qu'il s'agit de l'île de Pâques. Historiens, experts ou scientifiques se contredisent en toute bonne foi. Alors, les statues ont-elles été taillées sur place et transportées ensuite ? Ou bien, n'a-t-on extrait ici que des blocs de pierre brute qui ont été déplacés jusqu'aux autels où ils ont été ensuite taillés ? Qui sait vraiment ?

Les pentes du volcan Rano Raraku, d'où ont été extraites la plupart des statues

Et les statues éparpillées sur les pentes du volcan Rano Raraku étaient-elles destinées à être transportées vers d'autres ahus ou bien devaient-elles simplement rester sur place, telles des sentinelles gardant le volcan ?

Les gardiens du Rano Raraku ?

Ces statues plantées dans le sol semblent plus récentes que celles réparties autour de l'ile. Avec leur silhouette épurée, leur nez pincé et leur moue dédaigneuse, les moais du Rano Raraku ont l'air de penser, de regarder et surtout de toiser le visiteur qui les contemple. Toutes un peu semblables, toutes un peu différentes, ces immenses têtes énigmatiques impressionnent vraiment.


Tous les mystères de l'île de Pâques sont concentrés ici et des questions sans réponses viennent rapidement à l'esprit. Par quel processus normal ou démentiel, les Pascuans ont-ils été conduits à s'adonner à un tel culte du grandiose ? Quelle dinguerie collective les a poussés vers cette prolifération délirante de statues de plus en plus gigantesques ?


A quoi pensent les moais ?
 





Un long cheminement très fréquenté serpente entre les moais ou sinue sur les flancs du volcan d'où l'on a une vue générale sur le site. Malheureusement, le temps imparti pour la visite ne permet pas de trouver de réponses convaincantes à toutes les questions restées en suspens sur le pourquoi du comment de toutes ces statues ! Et pourtant, c'est bien en arpentant les flancs du Rano Raraku que l'on ressent le plus toute la force et la magie de l'île de Pâques. Envoutant, grandiose et impressionnant !

ILE DE PAQUES - DE TAHAI A AKIVI


Lundi 05 Novembre 2018



Le Boréal est resté au mouillage toute la nuit devant la plage d'Anakena. Météo en demi-teinte pour le début de journée : forte couverture nuageuse, vent frais, vagues courtes. On comprend rapidement que débarquer et rejoindre le petit quai en canot pneumatique va être pour le moins agité et humide, malgré toutes les précautions que pourra prendre le barreur pour épargner ses passagers… 


Île de Pâques - Le moai Toko Te Riku
Le fait que le Boréal ne soit pas à l'ancre devant Hanga Roa impose un trajet d'une vingtaine de kilomètres en mini bus pour rejoindre le village, point de départ des excursions prévues dans le programme de la croisière et cela va quelque peu affecter le rythme de la découverte de l'île.


L'île de Pâques est également dénommée Rapa Nui en polynésien. Les plus anciens la surnommaient aussi "Le Nombril du Monde". Ses habitants sont les Pascuans, qui maintenant veulent se faire appeler les Rapa Nui pour marquer leurs origines polynésiennes et s'affranchir un peu plus de l'autorité de tutelle : le Chili.

Les principaux sites visités (en rouge sur la carte) :

Carte Wikipedia - Eric Gaba
Île de Pâques - L'ahu Vai Uri près de Hanga Roa
 


A proximité immédiate d'Hanga Roa, nous visitons au pas de charge l'important site de Tahai dont les moais ont été redressés en 1960 par l'archéologue américain William Mulloy. Dos à la mer, cinq moais surmontent l'ahu de Vai Uri. A l'écart, se dressent deux autres moais solitaires : Tahai et Toko Te Riku, à qui on a reconstitué récemment le regard (avec plus ou moins de bonheur).



Les moais étaient les représentations des ancêtres chargés de protéger chaque village ou chaque tribu qu'ils dominaient du haut de leur autel. Ils ont toujours été érigés dos à la mer.


Île de Pâques - Les moais Tahai et Toko Te Riku
 

Île de Pâques - Ahu Vai Uri et moai Tahai
Clic, clac, Kodak ! La visite est déjà terminée alors qu'elle avait à peine commencé ! Les Pascuans ont une bien curieuse notion de la découverte de leur patrimoine… Ce matin, l'esprit des moais n'a pas vraiment eu le temps de descendre sur les visiteurs. Bien dommage !
 
Île de Pâques - Cratère du volcan Rano Kau


Il sera quand même laissé plus de temps à la vue du Rano Kau, le volcan marquant la pointe sud-ouest de l'île. Son cratère régulier est occupé par un lac profond de 200 mètres recouvert de nappes d'algues bleu-vert miroitant sous le soleil.



Au sommet du volcan, l'ancien village d'Orongo surplombe la mer. Au milieu du 17ème siècle, la vénération des ancêtres représentés par les moais est en déclin et les statues sont toutes renversées face contre terre. Les Rapa Nui de l'époque se tournent alors vers le culte de l'homme-oiseau et se réunissent une fois par an à Orongo pour désigner leur chef à l'issue d'un challenge. Le vainqueur était celui qui ramenait le premier œuf de sterne pondu sur l'un des rochers situé en contrebas et était nommé homme-oiseau pour un an, (je simplifie, car bien sûr, c'est forcément beaucoup plus compliqué que cela !).

Les 3 motus du sud-ouest de l'île de Paques au pied du volcan Rano Kau
Un village avait donc été édifié pour cette cérémonie annuelle. On s'entassait dans des maisons en pierre de forme oblongue, juste pour dormir après y être entré en rampant par une porte basse et étroite.
 
Coupe en vraie grandeur d'une maison du village d'Orongo
Les entrées des maisons d'Orongo
Île de Pâques - Le village d'Orongo
A proximité, des pétroglyphes représentent justement l'homme-oiseau accompagné d'un autre dieu du panthéon pascuan : Make Make, dont on ne sait pas si les gravures représentent un visage ou une autre partie du corps humain… Make Make et l'œuf de sterne étaient sans doute la symbolique de la fertilité dans une île démunie de tout ?



Pétroglyphes à Orongo - Le dieu Make Make, à droite

Au sud de l'île, nous visitons ensuite le site de Vinapu constitué de deux autels dont les statues ont été soigneusement renversées par les anciens Rapa Nui. Le lieu est surtout célèbre pour le mur arrière d'un des ahus constitué de gros blocs de pierre soigneusement taillés et appareillés à joints vifs, technique d'assemblage inusitée ailleurs dans l'île de Pâques, mais que l'on peut retrouver avec de l'imagination au Pérou ou en… Egypte. (De là à établir un lien, c'est aller un peu vite !).


Le mur arrière, caractéristique de l'ahu Vinapu
 

Renversés, figés face contre terre, ces moais sont encore plus impressionnants que ceux qui sont debout
Un pukao en tuf rouge, censé représenter la coiffure des anciens Pascuans
L'après-midi, visite de l'ahu Akivi. Il s'agit d'une longue plateforme sur laquelle sont dressées sept statues. C'est le seul ahu édifié au centre de l'île et dont les moais regardent la mer. Contrairement aux autres, ces statues ne protégeaient pas un village mais semblaient fixer un alignement de deux monolithes indiquant la direction du soleil couchant lors du solstice d'été. Ce site, restauré au début des années 1960, a longtemps été le symbole le plus représentatif de l'archéologie pascuane.
 
Île de Pâques - Les 7 moais de l'ahu Akivi
 



En fin d'après-midi, rapide passage dans le centre d'Hanga Roa et visite de son église à l'architecture minimaliste. La décoration tant intérieure qu'extérieure est complexe, mélange subtil entre le catholicisme actuel et les croyances anciennes dont s'accommodent les Rapa Nui.











PÂQUES EN NOVEMBRE


Dimanche 04 Novembre 2018


Réveil très tardif à cause de deux nouvelles heures de décalage horaire. Nous voilà à UTC-5 (6 heures de retard sur la France). Notre course vers l'est nous fait raccourcir les journées. On remonte le temps ! Et aujourd'hui, nous allons même remonter le cours de l'Histoire en abordant l'île de Pâques !


L'île de Pâques ! Île mythique qui inévitablement attire par ses statues, intrigue par son histoire ou fascine par son isolement au cœur de l'immense Pacifique.


L'île de Pâques au milieu du Pacifique
Mais que sait-on vraiment de l'Île de Pâques ? Cette terre perdue au milieu de l'océan suscite encore aujourd'hui bien des interrogations. Trois cents ans après leur découverte par les Européens, les colosses de pierre qui en ont fait la renommée n'ont toujours pas livré les mystères de leur naissance.


Qui a construit, transporté, érigé, sans moyens de levage autant de statues sur une terre aussi désolée et perdue à plus de 3.700 km du continent américain ? Cette énigme est ce qui retient l'attention, ce qui captive : Qui ? Quand ? Comment ? Mystérieuse Île de Pâques !

Après trois jours de navigation, l'île de Pâques sort de l'eau

Placée dans une région de vents instables et soumise aux influences climatiques du continent polaire austral, Pâques est loin de ressembler à un paradis polynésien subtropical.

11h30, au bout de trois jours de mer et avec une demi-journée d'avance sur le programme initial, une terre apparaît à 25 ou 30 milles dans le cap. Accoudé au bastingage à l'avant du pont 6, je vois progressivement le profil de l'Île de Pâques sortir de l'eau en fin de matinée. Alors, je ne peux m'empêcher de me souvenir d'un moment étonnant survenu à peu près au même endroit un beau matin de janvier 1984 :

Aparté :
Au terme d'un mois de mer à la voile depuis Tahiti, je suis seul de quart en fin de nuit et l'île de Pâques émerge lentement de l'horizon. Il me vient alors l'idée d'allumer la radio du bord pour essayer d'entendre les échos oubliés de la civilisation ou recevoir un signal de cette terre lointaine. En balayant la bande FM, je capte le seul émetteur local qui diffuse quelques messages ou infos en espagnol.

Au bout de quelques secondes et à ma grande surprise, j'entends alors Sylvie Vartan entonner en français un vieux tube des années 60 : " Si je chante, c'est pour toi. C'est pour toi. Oui pour toi… !".

Waouh ! Sylvie Vartan chante pour moi et en français juste au moment où j'arrive à l'Île de Pâques ! Quel accueil ! A l'autre bout du monde, à 3.700 km de tout continent et 4.200 km de Tahiti, après un mois d'isolement en pleine mer, Sylvie Vartan chante pour moi ! Incroyable ! C'est tellement inattendu et irréel, qu'un court instant je me persuade qu'elle ne chante vraiment que pour moi, oui pour moi ! Troublant !


Bien sûr, j'ai rapidement repris mes esprits et suis revenu aux réalités de la navigation.

Cette chanson déjà très ancienne en France (1964) était donc vingt ans plus tard le grand succès de la seule radio pascuane qui la diffusait en boucle tout au long de la journée… Et elle partageait le top du hit parade avec une autre rengaine encore plus ancienne : "Les enfants du Pirée" (1960) ! A croire que cette station de radio ne possédait que ces deux seules cassettes ! A cette époque pas si lointaine, c'est dire combien l'Île de Pâques était encore à l'écart du reste du monde !

Il n'empêche, cet évènement était tellement décalé et surprenant, que cela m'a durablement marqué et que depuis, l'Île de Pâques est pour moi irrémédiablement associée à cette ritournelle et inversement...

Peu à peu, l'île se laisse deviner grâce aux deux petits volcans qui balisent sa côte occidentale. Les passagers excités se rassemblent sur les ponts extérieurs. A la passerelle, les officiers se préparent pour le mouillage du bateau devant Hanga Roa, à l'ouest de l'île et préviennent déjà les autorités de notre arrivée.



L'île de Pâques, droit dans le cap


Contact avec les autorités d'Hanga Roa
Le bateau s'approche et l'on finit par distinguer le site de Tahai devant Hanga Roa. Les moais (statues, en pascuan) sont là, fidèles au rendez-vous. Subjugués par les hautes sculptures, tous les passagers sont venus pour cela et sous le soleil, la première vision de l'île de Pâques est plutôt réussie.

Sur la côte, les premiers moais de l'île de Pâques à Hanga Roa
 

C'est sans compter la houle qui balaie le mouillage et la mer qui bat furieusement sur la côte de basalte. A cause d'un dangereux ressac, les autorités refusent l'accès du petit port aux chaloupes devant nous emmener à terre ! Déception ! Pâques se laisserait-elle désirer un peu plus ?


Notre Commandant prend immédiatement la décision de changer de mouillage et de se rendre dans la baie d'Anakena sur la côte nord-est, bien à l'abri du vent et de la houle. 


Après avoir contourné le volcan Maunga Teravaka au nord de l'île, le Boréal jette l'ancre devant une jolie plage de sable blanc posée sur un fond de cocotiers (importés de Tahiti). La plage d'Anakena est un peu le paradis rêvé au cœur de la sévère et rude île de Pâques.

Île de Pâques - La baie et la plage d'Anakena

Grâce à l'avance prise sur l'horaire initial, le Commandant autorise un quartier libre à ses passagers qui s'empressent de débarquer en canot sur le petit quai et partir aussitôt à l'assaut de la plage. C'est dimanche et de nombreux Pascuans viennent s'y détendre ou se baigner, indifférents aux moais (statues) qui leur tournent le dos. Le plus ancien d'entre eux, Ature Huki, domine le site depuis qu'il a été restauré et relevé en 1956 par l'anthropologue et explorateur norvégien Thor Heyerhdal.

Anakena - Ature Huki, le premier moai redressé en 1956
Il faut dire que toutes ces statues, (les moais - plus de 900 sur l'île), ont été systématiquement renversées par leurs habitants à partir de 1680 et qu'après 1840, plus aucune n'était debout ! Et à part Ature Huki, toutes les statues dressées à l'heure actuelle ont été relevées par des archéologues ou des missions scientifiques à partir de 1960.

L'ahu (autel) Nau Nau érigé à l'arrière de la plage d'Anakena n'a pas échappé à la règle. Les moais ont un jour été renversés face contre terre et rapidement recouverts (et protégés malgré eux) par le sable accumulé par le vent. Ce n'est qu'en 1978, qu'un archéologue pascuan les a redécouverts et a mis à jour sept statues, dont cinq sont parfaitement conservées dans leur état originel.

Anakena - Les moais de l'ahu Nau Nau tournent le dos à la mer
 

Avec ses moais coiffés de leurs pukaos de tuf rouge, l'ahu Nau Nau est un bel ensemble archéologique bien proportionné et implanté dans un très joli cadre. Esthétiquement, ce site est sans doute le plus beau et le plus abouti car il permet de comprendre ce que devaient être les autres ahus et moais avant qu'ils ne soient érodés par le temps. Et imaginer qu'à l'époque, 900 statues de cette facture étaient disséminées tout autour de l'île, cela devait avoir une sacrée allure et être très impressionnant !

Les moais coiffés de leur pukao de tuf rouge
 
Et impressionnant, ça l'est ! Comment résister à cet alignement de visages sévères, hermétiques, dominateurs ? Malgré leurs orbites vides, ces visages n'en sont que plus expressifs et ce n'est pas leur moue moqueuse ou ironique qui peut rassurer !


Alors, une fois réalisé le plein de photos, il ne reste plus qu'à faire une pause et bien observer. Face aux statues, l'envoutement vous gagne. Prenant !


La découverte de l'île de Pâques commence par le meilleur.
Les moais tournent le dos au Boréal à l'ancre devant Anakena